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derniers temps, le tableau japonais ou chinois, La mode passe vite dans ce genre exotique, et la curiosité s’épuise à mesure qu’elle est satisfaite. Il y a longtemps que les costumes italiens, qui disparaissant en Italie, n’étonnent plus personne en France. L’Orient levantin, qui pendant longues années a ravi nos pères, est délaissé pour l’extrême Orient, et voilà que l’extrême Orient lui-même, dont les œuvres d’art nous inondent, commence à nous être trop bien connu. Toutes ces modes artificielles et fragiles, toutes ces tentatives de renouvellement éphémère montrent combien l’art fait fausse route en donnant dans la curiosité pittoresque.

Quelques peintres cependant persévèrent avec succès dans ce genre épuisé, M. Brion continue à peindre d’un pinceau franc, mais un peu dur, ses jolies scènes de village en Alsace, M. Worms reste fidèle à ses charmantes scènes de village espagnoles, et nous en donne cette année, dans ses Maquignons de la province de Grenade, un nouvel exemplaire supérieur aux précédons, M. Pasini continue à nous éblouir par la merveilleuse coloration de ses Marchés à Constantinople ou de ses Portes de mosquée peuplées de mendians et de derviches. M. Leloir, qui passe agréablement du moyen âge aux harems des rois africains, nous représente une esclave blanche accroupie qui chante aux pieds de son maître, horrible nègre empanaché qui éclate de rire avec une gaîté féroce ; en reprenant pour le traiter à la parisienne le sujet d’une des plus belles aquarelles d’Henri Regnault, il l’a dépouillé de la gravité triste qui en faisait toute la poésie. M. Germak, dont le talent procède à la fois de Robert-Fieury le père et de M. Fromentin, persiste avec succès à faire passer sous nos yeux les admirables types des populations du Monténégro et de l’Herzégovine. Ce sont deux bien jolis tableaux que son Rendez-vous dans la Montagne et ses Chevaux à l’abreuvoir ; seulement la même figure de femme a servi pour tous les deux. Dans le premier, elle se tient debout au bord d’un précipice, à mi-côte d’un escarpement presque inaccessible. Droite, fière, pâle, brune, vraiment très belle, avec son regard fixe et presque farouche, elle vient d’arriver au rendez-vous et relève son voile noir ; on devine là tout un drame de passion presque aussi sauvage que cette âpre nature. Dans l’autre tableau, la jeune fille s’adosse d’un geste nonchalant et gracieux à un beau cheval blanc contre lequel elle appuie la tête en jouant avec sa longue crinière. Ce tableau fait songer à Briséis menant boire les chevaux d’Achille. M. Germak est peut-être le seul peintre contemporain qui sache encore mettre du style dans les sujets pittoresques.

Que dire à présent de la peinture archaïque, archéologique, pseudo-savante et ultra-prétentieuse de M. Alma-Tadéma ? Sans doute il faut de la couleur locale dans les sujets anciens, et il ne convient