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més de sentimens peu favorables au roi, et qu’ils sont prêts à joindre aux doléances du peuple les plaintes de leur ordre. D’où vient ce fait nouveau ? La tenue fréquente des états-généraux dans les premières années de ce siècle avait produit un résultat dont l’histoire n’a pas encore démêlé bien clairement la nature. À l’imitation des assemblées que le roi appelait autour de lui, des réunions moins nombreuses avaient eu lieu dans les villes principales afin de délibérer sur les intérêts spéciaux de la province. Déjà certaines parties de la France connaissaient ces assemblées locales, mais elles devinrent plus générales sous les premiers Valois. Étaient-ce réellement des réunions de délégués se consacrant périodiquement à l’examen des affaires de la contrée ? Ces assemblées n’avaient-elles pas, ainsi que l’ont cru certains érudits, qui les ont nommées des états-généraux fractionnés, tous les pouvoirs des assemblées tenues par le roi ? Les questions de paix ou de guerre, celles intéressant tout le royaume, ne leur étaient-elles pas soumises ? C’est là un problème qui ne peut se discuter incidemment et encore moins se résoudre à la légère ; il suffit de se rappeler en ce moment que la première moitié du xive siècle vit naître et se multiplier les états provinciaux. Ces assemblées, qui réunissaient tous les nobles et tous les ecclésiastiques, donnèrent bientôt l’idée aux premiers ordres de déléguer quelques-uns de leurs membres aux états-généraux. Le député résumait en lui tous les pouvoirs et épargnait ainsi à la province des frais plus considérables. Ce fut donc du sein des états provinciaux que sortirent les députés qui représentèrent pour la première fois le clergé séculier ou l’ensemble des gentilshommes d’un bailliage.

À cette cause locale, il faut ajouter un état général des esprits qui devait tendre au même résultat. Le souffle d’indépendance qui se fit sentir en 1355, et que les malheurs de la guerre rendirent si violent après le désastre de Poitiers, n’atteignit pas seulement le troisième ordre, mais exerça une influence puissante sur la masse du clergé et même sur une partie de la noblesse. Dans les deux premiers ordres, les clercs et les gentilshommes n’étaient pas fâchés de substituer aux convocations plus ou moins capricieuses du prince une désignation directe. Si plus tard, lors de la réaction en faveur de l’autorité royale, Charles V eut occasion d’appeler près de lui des prélats et des nobles, ces convocations n’étaient plus qu’une exception ; le coup était porté. Seules les assemblées de notables devaient voir des membres appelés par le choix royal : ce qui demeura le caractère des états-généraux, ce fut l’origine pleinement indépendante des trois ordres ; les états de Tours nous le montrent avec une incomparable précision. Franchissons tout le xve siècle et arrivons à cette grande assemblée tenue peu de mois après la mort de Louis XI. Le mouvement commencé sous le roi Jean avait atteint son