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solution jusqu’après l’élection d’une nouvelle chambre des députés.

La liberté absolue de la royauté dans le choix des pairs, sous la garantie de la responsabilité ministérielle, était, pour Casimir Perier, la base même de cette loi complémentaire de la constitution, qui devait être monarchique comme la constitution elle-même. Rien de plus précis et de plus vigoureux que sa démonstration des conditions, — prérogative royale ou élections, — qui font d’une chambre modératrice une institution monarchique ou une institution républicaine. Le président du conseil avait trouvé le pays et les chambres tout disposés à accueillir à cet égard ses opinions ; mais il n’en fut pas de même pour l’hérédité de la pairie : le sentiment national qui se prononça contre elle fut si général et si vif qu’après avoir tenté de faire triompher son opinion, favorable à l’hérédité, sinon dans le présent, du moins en lui réservant un retour possible dans l’avenir, Casimir Perier dut céder à la pression du pays, et se faire énergiquement l’écho de la voix de la France s’élevant de toutes parts en dehors même de la chambre des députés. C’est à Casimir Perier que nous demanderons encore de révéler lui-même le caractère de sa politique dans cette grande lutte où, pour le salut du pays, il sut dominer ses préférences personnelles : patriotique et grave enseignement qu’il faut recueillir de la bouche même du grand ministre conservateur pour ne pas risquer de l’affaiblir ou de l’exagérer. Interrogeons dans ses discours les manifestations les plus caractéristiques de sa pensée :


« Vous êtes, messieurs, dans une de ces situations difficiles et décisives où les pouvoirs sont appelés à déployer tout ce qu’ils ont d’habileté et de sagesse. Toutes les fois que de grands sacrifices sont demandés à un pouvoir quelconque, il ne manquera pas de gens qui s’appliquent à l’effrayer du mot de concessions, et à lui persuader que son honneur comme sa sûreté lui commandent un refus ; mais il ne manque pas non plus d’exemples qui avertissent du danger de ces conseils et de cette résistance. La puissance échappe, on le voit, par les refus comme par les concessions, et par les concessions comme par les refus. C’est à la sagacité de ses dépositaires à discerner quelles sont les concessions qui perdent et celles qui sauvent, et le moment actuel, n’en doutez pas, est un de ceux dans lesquels les garanties données à propos sont des gages certains de salut. Nous sommes en effet au lendemain d’une révolution qui, de tant de sentimens nationaux qu’elle a ranimés, a surtout réveillé un amour d’égalité sociale qui fut dès longtemps la passion de la France, passion dont il faut sans doute combattre l’entraînement, mais qu’on ne peut utilement diriger qu’en sachant lui céder quelque chose. C’est en satisfaisant les révolutions dans ce qu’elles ont de raisonnable