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jusqu’à la porte du sanctuaire… Au dehors, la loi civile agit et commande seule[1]. »

Telle a été, dans la question si grave des affaires religieuses, le caractère de la politique conservatrice de Casimir Perier : la loi, toute la loi, rien que la loi, — protection efficace, respect profond pour la religion catholique, — liberté de conscience pour tous, — complète indépendance de la société civile.


Certes nous aimerions à compléter ces souvenirs de notre jeunesse, de plus en plus éclairés par l’expérience et par l’étude de tous les documens contemporains, en suivant Casimir Perier à la tribune des deux chambres, dans chacune de ces discussions éloquentes et dramatiques où il dépensait au service de la France le peu de jours qui lui restaient à vivre, en rappelant aussi la noble mission accomplie par le drapeau national en Belgique, à Ancône, à Lisbonne, et l’offre de la médiation de la France en faveur de la malheureuse Pologne. Nous aimerions, en un mot, à écrire l’histoire complète du ministère de Casimir Perier ; mais ce serait sortir du cadre plus modeste que nous nous sommes tracé en nous proposant seulement de mettre en relief les principaux traits de sa politique conservatrice. Toutefois notre tâche serait loin d’être complète, si, avant de finir, nous ne mettions en lumière par un grand exemple à quel point Casimir Perier regardait comme un devoir sacré, non pas seulement de demeurer uni à la majorité dans les chambres, mais aussi de donner à l’opinion publique toutes les satisfactions légitimes, et même de soumettre à la volonté du pays, — signe de force et non de faiblesse, — les propres tendances de son esprit et ses premières impressions. Il était profondément convaincu qu’il était à la fois de l’intérêt et du devoir du gouvernement, dans les graves questions à résoudre, de s’identifier autant que possible avec les intérêts de la France, et dans tous les cas de tenir le plus grand compte du mouvement régulier de l’opinion publique. Si ce mouvement devait dépasser les droits de la justice et de la raison, Casimir Perier était prêt à briser lui-même sa carrière ; mais sous cette réserve il n’était pas moins prêt à le seconder de toute son autorité, et même à l’imposer aux pouvoirs publics comme à lui-même. C’est ce qu’il fit résolument à l’occasion de la question légale la plus importante qu’il ait eu à discuter et à résoudre pendant sa présidence : nous voulons parler de l’hérédité de la pairie, au sujet de laquelle la charte de 1830 avait ajourné toute

  1. Moniteur universel du 13 septembre 1831.