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il faut que nous, qui répondons de ses plus grands intérêts, nous lui disions tout haut ce qui se dit tout bas ; la vérité est bonne à dire aux nations comme aux rois[1]. » S’expliquant alors sur l’attitude de la France à l’égard des nations étrangères et de leurs gouvernemens : « Jamais nous ne nous défendrons, dit-il, d’une vive sympathie pour les progrès des sociétés européennes ; mais leurs destinées sont dans leurs mains et la liberté doit toujours être nationale : toute provocation étrangère lui nuit et la compromet. La France n’exhortera le monde à la liberté que par l’exemple pacifique du développement régulier de ses institutions et de son respect pour les droits de tous.

« Mais, si l’Europe méconnaissait jamais la loyauté de notre politique, si nos frontières étaient menacées, si la moindre atteinte était portée à la dignité de la France, assurez-vous, messieurs, que la France serait aussitôt défendue et vengée[2]. » Sur la situation intérieure, le premier mot de Casimir Perier est le mot de sa nature même, comme de sa politique, le mot action, « Que demande avant tout la France à son gouvernement ? s’écrie-t-il, c’est de l’action, » mot rassurant et pacifique dans la bouche de Casimir Perier, qui ne comprend et ne veut qu’une action légale, rien que légale et ennemie de toute guerre à l’intérieur. Voyez avec quelle netteté mêlée d’ironie il s’en est déjà expliqué en répondant à M. Mauguin, qui dès la fin de septembre 1830 attaquait violemment le ministère d’alors, dont Casimir Perier faisait partie : « Assurément le ministère, pour avoir provoqué cette déclaration de guerre au bout de deux mois, doit avoir commis des actes coupables, et proclamé des doctrines menaçantes ou réactionnaires ? Examinons, dit-il en s’adressant à M. Mauguin, examinons vos reproches et nos actes, vos soupçons et notre conscience, et faisons cet examen de sang-froid, car nous ne nous croyons en guerre ni avec la France, ni même avec vous[3] ! »

Six mois après, Casimir Perier reprend la parole comme président du conseil, et définit l’action du gouvernement telle qu’il la veut, telle qu’elle sera. « C’est d’ordre légal, dit-il, et de pouvoir que la société a besoin, car c’est faute d’ordre et de pouvoir qu’elle se laisse gagner par la défiance, source unique des embarras et des périls du moment.

« En effet le mal est dans les esprits. Inquiets et divisés, ils accueillent toutes les craintes et tous les soupçons. De là des alternatives d’irritation et de découragement, l’indécision de quelques autorités, de là le ralentissement de cette activité productive qui fait

  1. Séance du 18 mars 1831.
  2. Séance du 18 mars 1831.
  3. Séance du 30 septembre 1830.