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régler de nouveau l’écoulement des eaux de l’Oued-Djeddi, le cours de la rivière reprendrait sa régularité primitive, et que, de nouvelles conditions climatériques aidant, l’influence bienfaisante de cette mer se ferait sentir de proche en proche jusqu’aux sources de l’Oued-Djeddi, c’est-à-dire sur toute la limite sud de la province d’Alger elle-même ?

Le percement de l’isthme de Suez a suffi pour amener une notable amélioration du climat dans les régions que traverse le canal de communication. Il est bien constaté que les pluies y ont augmenté dans une notable proportion, que, d’exceptionnelles qu’elles étaient, elles y sont devenues régulières. Si la présence d’un simple canal de communication a suffi à produire une amélioration aussi sensible, que ne doit-on pas attendre de la création d’un vaste golfe ayant 320 kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de 60 kilomètres ! Ne serait-ce pas une rénovation complète de tout le sud de la province de Constantine et de la Tunisie ?

De Chegga à la frontière tunisienne s’étend une immense plaine comprise entre les derniers contre-forts de l’Aurès[1] au nord et le rivage septentrional des chotts au sud. Elle n’a pas moins de 150 kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de 40 kilomètres. Cette vaste surface se compose de terres entièrement stériles aujourd’hui, à quelques rares oasis près, mais qui deviendraient admirablement fertiles, si elles étaient arrosées. C’est un fait incontestable en effet que les terrains arides et calcinés du sud, que le sable si fin et si pénétrant du désert, se transforment sous l’influence de l’eau en un limon d’une incroyable fécondité. En 1873, nous avons traversé vers la fin de mars plusieurs oasis de cette région. Les Arabes moissonnaient déjà, — et cependant cette récolte, qui d’ailleurs était admirable, avait été ensemencée vers la fin de décembre. L’attention des colons algériens s’est portée plusieurs fois de ce côté. Dans son Exploration scientifique des bassins du Hodna et du Sahara, M. Ville dit qu’un comité agricole s’est formé pour demander la concession de plusieurs milliers d’hectares après la réussite du premier puits artésien à El-Feidh. Il ajoute que les sondages n’ont pas réussi encore, mais qu’il n’y a pas lieu de désespérer du succès, et qu’il faudrait des appareils permettant d’atteindre à une profondeur de 300 à 400 mètres. On a reculé devant la dépense de l’outillage ; mais, si la mer venait au-devant de la colonisation, lui apportant à la fois un climat plus tempéré, une voie de communication et de transport, une sécurité absolue, hésiterait-on encore ? A-t-on reculé devant les forages dans la plaine de la Mitidja ? Dans la vaste plaine qui s’étend de Chegga à la frontière tunisienne,

  1. Djebel-Amar-Khaddou et Djebel-Chechar.