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l’Oued-Gabès sert actuellement de port à l’oasis, celui de l’antique Tacape étant depuis longtemps ensablé.

Les géologues s’accordent aujourd’hui à reconnaître que le centre de l’Afrique était jadis recouvert par les eaux de la mer. Ce vaste océan saharien était limité au nord par la chaîne de l’Atlas et par l’Aurès. Dans sa Malocologie de l’Algérie, M. Bourguignat pose les conclusions suivantes, qu’il regarde comme indiscutables : « au commencement de la période actuelle, le nord de l’Afrique était une presqu’île dépendante de l’Espagne ; le détroit de Gibraltar n’existait pas, la Méditerranée communiquait avec l’Océan par le grand désert de Sahara, qui était alors une vaste mer. » M. Charles Martins considère les chotts comme les lais de la mer saharienne, a Le dernier de ces chotts, dit-il, s’arrête à 16 kilomètres seulement de la mer. Que cet isthme se rompe, et le bassin des chotts redevient une mer, une Baltique de la Méditerranée[1]. »

M. Dubocq[2] n’a trouvé sur les bords du chott Mel-Rir aucun lais de mer qui puisse faire supposer que l’estuaire de ce bassin ait été oblitéré, depuis les temps historiques, par les collines de sable qui bordent le golfe de Gabès, et que l’évaporation ait successivement épuisé les eaux de ce bassin. Il croit d’ailleurs à l’existence de l’ancien océan saharien, et il admet également que le niveau des chotts est plus bas que celui de la mer ; il donne même au chott Sellem des altitudes négatives de 65, 76 et jusqu’à 85 mètres, qu’il a déduites de ses observations barométriques, mais qui doivent être exagérées. M. Coquand[3] cite M. Dubocq, dont il semble adopter les conclusions. Les différentes assertions de M. Dubocq peuvent-elles se concilier ? Nous ne le croyons pas. Dans le grand soulèvement géologique qui exhaussa la vaste région saharienne et qui la transforma en continent, le bassin du chott Mel-Rir resta au-dessous du niveau de la mer. Donc, même dans le cas où le chott Mel-Rir, à la suite de cette convulsion, se fût trouvé complètement séparé de la mer par un isthme, les eaux de l’océan saharien auraient été retenues dans son bassin. Il se serait formé un grand lac intérieur, dont le lit aurait embrassé au moins les contours de la couche d’altitude zéro et dont les eaux auraient conservé pendant longtemps une composition chimique analogue à celle de l’océan. Nous avons dit que les eaux de la baie de Triton avaient dû s’évaporer très rapidement après la formation de l’isthme ; mais, à l’époque où le grand océan saharien existait, les conditions climatériques du nord de l’Afrique étaient bien loin de ce qu’elles sont aujourd’hui, et, si nous admettons que le bassin des chotts est devenu un lac intérieur

  1. Voyez la Revue du 15 Juillet 1864.
  2. Dubocq, Constitution géologique des Zibans et de l’Oued-Rir, 1853.
  3. Coquand, Géologie et paléontologie du sud de la province de Constantine, 1862.