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rapproché ; puis ils se mirent en marche à l’aventure avec une partie seulement de leur escorte, bien accueillis partout au surplus, grâce aux petits présens qu’ils pouvaient semer sur la route et peut-être encore plus à cause des consultations bienveillantes que le docteur de l’expédition distribuait à tous les malades des localités qu’ils traversaient. La réponse du commandant pantbay les rejoignit en chemin ; elle était des plus sympathiques. Le trajet s’acheva donc sans obstacle jusqu’à Momein. Le major Sladen, content de l’accueil que lui faisait cet officier, l’un des grands dignitaires, paraît-il, du nouvel état musulman, ne jugea pas nécessaire de pousser jusqu’à Talifou, résidence officielle du sultan Soliman. Les mahométans semblaient s’intéresser au trafic qu’il avait mission de faire revivre, les chefs des tribus intermédiaires entre Momein et Bhamo promettaient de respecter les Anglais et leurs marchandises ; il revint vers la Birmanie en septembre, après neuf mois d’absence. Le résultat le plus clair de cette expédition fut de faire connaître l’importance commerciale de Bhamo, où le gouvernement vice-royal résolut alors d’avoir un représentant, en quelque sorte un consul, pour protéger les négocians britanniques. Le docteur Anderson en rapportait aussi des collections intéressantes qui enrichiront les musées de Rangoun et de Calcutta. Quant à la route de Bhamo à Momein, il fallait bien convenir qu’elle est décidément défavorable au commerce par caravanes. Non-seulement elle est rendue longue et difficile par la nature accidentée du terrain, mais encore la province de Yunnan, ou elle aboutit, ne pourra, d’ici longtemps alimenter un gros trafic, ravagée comme elle l’est depuis quinze ans par la guerre civile. C’est une véritable illusion de prétendre ouvrir dans cette direction une grande route commerciale, quelques-uns disaient même un chemin de fer, pour ramener dans le golfe du Bengale les productions de la Chine occidentale, que le Yang-tsé-kiang conduit aujourd’hui sur les marchés de Shanghaï avec aussi peu de dépense que possible.

Il est à noter que le cabinet britannique ne gardait pas toute la réserve prescrite par les convenances diplomatiques en établissant ainsi par le canal du major Sladen des relations directes avec des insurgés, auxquels l’empereur de la Chine ne cessait de faire la guerre. Quels qu’aient été depuis 1856 les succès obtenus par Les mahométans du Yunnan, ce ne sont après tout que des rebelles. Les Panthays ne manquèrent pas de se prévaloir de cette avance que la Grande-Bretagne leur avait faite. Dans l’année 1872, on vit arriver à Londres une ambassade conduite par le fils adoptif. du sultan Soliman, qui proposait de renouveler les conventions déjà faites avec le major Sladen, et demandait en outre la bienveillance de la