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REVUE. — CHRONIQUE.

prétendant est établi comme chez lui, elle est surtout devant Bilbao, dont les carlistes font le siège, qu’ils bombardent même quand ils ont le temps, et qui est destinée à tomber, si elle n’est pas secourue. Ici ce ne sont plus des escarmouches de bandes combattant en désordre, se dérobant à travers les montagnes ; c’est une véritable guerre régulière, armée contre armée ; il y a plus de 30 000 hommes dans chacun des deux camps. Les carlistes ont eu malheureusement la liberté et le temps de se couvrir de plusieurs lignes de défense, de s’établir sur de formidables positions dont la clé est au mont Abanto. Déjà une première fois une tentative avait été faite par le général Moriones pour déloger les carlistes et dégager Bilbao. Le général Moriones s’était avancé jusqu’à la ligne du Somorostro, aux approches des positions carlistes ; il n’avait pas pu même atteindre ces positions, il avait complètement échoué. Alors le général Serrano, chef du pouvoir exécutif ou président de la république, commençant à comprendre la gravité de la situation, a tenu à se rendre lui-même sur le terrain des opérations et à prendre le commandement de l’armée.

C’était évidemment pour Serrano une affaire des plus graves. S’il échouait à son tour, sa position de chef de gouvernement se trouvait compromise. Il n’a rien négligé naturellement pour se mettre en mesure de réussir. Il a fait venir le plus de renforts qu’il a pu, les meilleurs généraux qu’il avait sous la main, il a réuni surtout une artillerie relativement considérable pour battre les positions carlistes avant de les aborder. Il a passé quelques jours à ces préparatifs, à la réorganisation de son armée. Une fois tout cela fait, Serrano a donné le signal de l’attaque, et l’action s’est engagée. Pendant trois jours de suite, le 25, le 26 et le 27 mars, on s’est battu avec un acharnement meurtrier sur ces hauteurs assaillies et défendues avec une égale énergie. Les soldats de Serrano ont entamé les défenses carlistes, ils ont conquis quelques positions qu’ils ont gardées ; en définitive, ils n’ont pu enlever la principale, le mont Abanto, dont les carlistes sont restés maîtres, et dans cette série d’attaques ils ont été cruellement éprouvés. Des bataillons ont été à moitié détruits ; les officiers surtout ont été atteints. Deux des principaux chefs militaires, le général Primo de Rivera et le général Loma, ont reçu d’assez graves blessures. Des colonels, des lieutenans-colonels, en assez grand nombre, sont restés sur le terrain. Les carlistes ont souffert, eux aussi ; ils ont perdu beaucoup de monde, notamment deux de leurs meilleurs chefs, Ollo et Radica, qui ont été blessés mortellement.

Quel a été le résultat de cette sanglante bataille de trois jours ? Chacun s’est attribué la victoire ; par le fait, les deux armées sont restées en présence. Les carlistes ont continué à faire le siège de Bilbao, les soldats de Serrano font le siège du mont Abanto, devenu une véritable citadelle. Évidemment Serrano, un peu déconcerté peut-être par la ré-