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REVUE. — CHRONIQUE.

et dit tout ce qu’il paraît dire, nous le supposons, car il serait peu digne de mettre la justice en mouvement, d’avertir des journaux pour prolonger une équivoque, d’avoir l’air d’affirmer l’autorité irrévocable d’un gouvernement et de ménager encore des susceptibilités de parti par certaines habiletés de langage, d’exciter le zèle des procureurs-généraux contre ceux qui contesteraient les pouvoirs de M. le président de la république et de paraître effacer ce titre dans le texte d’une circulaire. Non, cela n’est pas possible, l’honorable M. Depeyre, garde des sceaux de M. le président de la république, aura oublié ce titre, il aura laissé aux procureurs-généraux le soin de le rappeler, car il n’est pas à supposer que M. le garde des sceaux ait entendu scinder la loi du 20 novembre, séparer la durée des pouvoirs confiés à M. le maréchal de Mac-Mahon du titre qualificatif du chef du gouvernement. Ce serait réveiller ou entretenir toutes les incertitudes en paraissant vouloir les dissiper. L’acte du ministère reste donc parfaitement net, il garde toute sa valeur, et les circonstances dans lesquelles il se produit en déterminent le sens : c’est évidemment une réponse aux contestations passionnées des légitimistes, qui ne veulent pas laisser le roi « à la porte du septennat, » et aux doutes ironiques des bonapartistes, qui comptent sur l’imprévu pour ouvrir cette porte à l’empereur. Ainsi c’est un acte sérieux, une manifestation politique décisive, et de plus c’est un engagement. Les déclarations qui viennent de paraître ont en effet leurs conséquences. Elles impliquent pour ce septennat, placé désormais sous la sauvegarde des répressions judiciaires, la nécessité de se compléter par les institutions qui peuvent l’aider à fonctionner, de s’organiser et de se placer, sans précipitation si l’on veut, mais sans arrière-pensée, dans les conditions pratiques de cette large conciliation des opinions modérées où il peut trouver son véritable équilibre et son efficacité. C’est là toute la question, telle qu’elle est posée en quelque sorte par les derniers actes ministériels, telle qu’elle se présentera sans doute au moment où l’assemblée se retrouvera le 12 mai à Versailles.

Cette question, elle se résume désormais en deux faits inévitables, et on pourrait dire inséparables : le vote des lois constitutionnelles et le rapprochement des « modérés de tous les partis, » pour faire vivre l’institution nouvelle. Le ministère, même en y mettant tous les ménagemens possibles, n’a pu assurément se méprendre sur la portée de ce qu’il faisait. S’il n’a pas pris cette initiative pendant que l’assemblée était encore réunie, c’est que probablement il a voulu laisser à tout le monde le temps de réfléchir pour arriver au 12 mai avec un esprit pénétré de la situation du pays. Avant ce jour, où éclateront sans doute des luttes nouvelles, où se mêleront les partis et où devra se former une majorité ralliée à la nécessité d’une organisation constitutionnelle, il y a un mois encore. C’est à tous les esprits modérés et prévoyans de profiter de ce temps de répit pour congédier les ressentimens personnels, pour