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à Virginia-City, à New-York, à Washington. En juillet 1870, je le revis à New-York, où il m’annonça que son tunnel allait enfin être commencé. L’état de Nevada dès 1865, le gouvernement fédéral dès 1866, ont donné leur appui au projet de M. Sutro; ils lui ont concédé entre autres divers terrains pour l’installation de ses travaux, et le droit de tirer une redevance proportionnelle des mines qui useront de son tunnel. Cette redevance payera les frais de cette colossale entreprise, l’une des plus étonnantes que l’art des mines aura vues se réaliser.

La réussite de cette grande œuvre ouvrira pour le filon de Comstock une ère nouvelle. Les eaux s’écouleront naturellement par cette voie, l’air y circulera librement, et de là se répandra frais et pur dans tous les travaux; les minerais seront transportés au dehors par cette longue galerie presque sans dépense, enfin un nouveau champ d’exploitation de 1,000 à 2,000 pieds de profondeur sera assuré à chaque mine. Ce sont là bien des avantages réunis au moment où les compagnies minières de Washoe avaient peine à lutter contre tous les obstacles accumulés comme à plaisir dans la poursuite de leurs exploitations souterraines.


III. — LE TRAITEMENT DU MINERAI.

Parmi les personnes qui voulurent bien me servir de guides à Virginia-City était un Français, mort depuis. Agent en Nevada du consulat général de France à San-Francisco, il recevait avec joie tous ceux de ses compatriotes qui lui étaient adressés ou qui venaient directement chez lui. Cet excellent homme tenait un grand magasin où il y avait de tout, un vrai bazar, comme on en voit dans toutes les villes américaines du Pacifique et du far-west. Il avait été mineur en Californie, puis en Nevada, dans les premières années de l’exploitation du Comstock, et comprenait bien le travail des mines et le traitement des minerais. C’est avec lui que je visitai les établissemens métallurgiques où l’on traite le minerai d’argent. Le système suivi dans ces opérations est particulier à ce district. Il consiste à broyer, à pulvériser d’abord la substance métallifère sous d’énormes pilons en fonte de fer, de manière à obtenir un sable, une vraie farine minérale, d’où le nom de mills ou moulins qu’on donne à ces établissemens. Les pilons sont du poids d’environ 1,000 livres, disposés verticalement les uns à côté des autres, cinq par cinq, de manière à former ce qu’on appelle une batterie. Une machine à vapeur ou une roue hydraulique les met en mouvement, et les soulève alternativement à une hauteur de 10 à 15 pouces. Le nombre de coups qu’ils battent est de soixante par minute. Cela fait un affreux vacarme qui ne cesse de jour ni de nuit, et s’entend à