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trois ans après, en 1864. Néanmoins le Nevada ne prit son essor régulier que l’année suivante, et jusque-là ce fut surtout de la Californie, et notamment de San-Francisco, que le naissant territoire tira ses moyens d’action. La Californie lui envoya ses mineurs et San-Francisco ses banquiers; ceux-ci avancèrent tout l’argent dont ce pays encore si jeune eut besoin au début. Comme quelques-uns firent tout de suite sur le filon de Comstock des fortunes d’une rapidité inouïe, il devint de mode de prêter sur ce filon, et l’on aima mieux cette hypothèque si chanceuse que celles que l’on trouvait autour de soi sur de bonnes valeurs ou des immeubles de premier ordre. — Il y eut dans le principe des procès sans nombre, tant les concessions avaient été mal indiquées, mal repérées, mal délimitées, et par suite mal enregistrées. Nul ne procédait avec calme, même le recorder ou contrôleur officiel, représentant la loi et le fisc. Et puis y avait-il un ou deux filons ? La division des affleuremens à la surface semblait indiquer deux veines. A San-Francisco, on penchait pour une, à Nevada pour deux. La politique s’en mêla, et dans les élections on vota pour ou contre un candidat, suivant qu’il était favorable à l’unique ou à la double veine. Les avocats, les sollicitors ou avoués, réclamèrent des plaidans des honoraires énormes, et les témoins, dont quelques-uns se parjuraient, prétextant tout à coup un voyage dans les états atlantiques, exigèrent pour rester des indemnités considérables. Une partie de la valeur des mines fut perdue dans ces litiges onéreux. Le procès Chollar-Potosi coûta 1,300,000 piastres, le procès Ophir-Moscou 1 million. A la fin, la théorie de la veine unique, conforme d’ailleurs aux données de la géologie, l’emporta. Ceux qui plaidaient cette cause avaient aussi pour eux l’avantage de la fortune, et ce fut cette raison, plus encore que la justesse de leurs argumens, qui assura leur triomphe.

Les actions minières portaient le nom de pieds, parce qu’elles étaient représentées par un pied linéaire de filon (le pied américain est égal à 30 centimètres). Ces actions eurent un moment le même succès qu’avaient eu chez nous celles de la fameuse banque de Law. Ainsi un pied de la mine de Gould-and-Curry, qui a été toujours la plus productive du filon de Comstock, se vendait 500 dollars en mars 1862, 1,000 en juin, 1,550 en août, 2,500 en septembre, 3,200 au mois de février de l’année suivante, 3,700 en mai, 4,400 en juin et 5,600 en juillet 1863. La valeur des actions des autres mines suivit une progression aussi rapide, bien que s’élevant à un taux moins élevé. Vers le milieu de 1863, époque où toutes ces valeurs atteignirent ensemble le maximum, un pied de la mine Savage se cotait 3,600 dollars, Central 2,850, Ophir 2,550, Hall-and-Norcross 1,850, California 1,550, Yellow-Jacket 1,150. Il en fut de