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examens commerciaux pour les capitaines du commerce, que les armateurs ne rougiraient pas de s’associer. Passant ensuite dans les ports, il formerait les unions les plus étroites entre tous ceux qui, traitant le même négoce, ont des intérêts communs : constructeurs, armateurs, commerçans. Il encouragerait partout des syndicats, se montrerait très libéral sur les sociétés, surtout quand elles embrassent plusieurs branches du commerce, et, tandis que l’on réformerait notre code de crédit maritime, il mettrait en action ce crédit par des établissemens auxquels on ferait des faveurs particulières. S’il avait quelque argent à dépenser sur les deniers de l’état, il l’emploierait, non pas en primes, mais à creuser de nouveaux bassins, à donner plus de tirant au chenal des ports, à tant de travaux nécessaires sur toutes nos côtes pour offrir aux navires des mouillages faciles et au commerce des débouchés commodes. Il remonterait par les canaux et les voies ferrées jusqu’aux sources du fret, se faisant gloire d’un tarif abaissé ou d’une écluse ouverte autant que d’une province conquise. Il n’aurait pas oublié que tous nos grands ministres ont eu à cœur les routes et les débouchés : jadis on frappait une médaille pour un canal commencé; tirer un bon parti des chemins de fer, étendre le réseau n’est pas une œuvre moins méritoire. Industrie, enseignement, travaux publics, il n’est pas un seul côté du gouvernement où l’on ne puisse envisager l’intérêt maritime et seconder ainsi les efforts des particuliers.

Ayant ainsi pourvu aux moindres détails, l’homme d’état porterait plus loin ses regards. Il y a toujours dans toute entreprise, comme au siège d’une place forte, un point capital qu’il faut apercevoir, et qui, une fois gagné, emporte le reste. Aujourd’hui quelle est la circonstance décisive pour la prospérité des arméniens ? Nous sommes impuissans à rétablir un monopole qui éclate de toutes parts et tombe en pièces; nous n’allons pas remettre les colonies en tutelle, et, quant au commerce, le gouvernement comprend enfin qu’il doit être avare de son intervention. Ce sont de grandes machines qu’on ne remue pas avec des décrets. S’il faut lutter, on verra d’un coup d’œil que le champ de bataille est au-delà des mers. Que produisent ces longs débats où chacun allègue à son tour, pour expliquer son retard ou sa chute, un léger obstacle, une pierre qu’il a heurtée en chemin? Ne reconnaît-on pas les mauvaises défaites dont se paient l’indolence et la timidité? On rejette la faute sur le voisin au lieu de s’accuser soi-même; on chicane sur un règlement, tandis qu’il faudrait s’informer des pays étrangers, nouer des relations, s’expatrier un temps et former ainsi des établissemens que l’imperfection des lois n’atteint pas. Voilà le secret d’une belle marine. Il n’est pas impossible de citer un pays qui soit le passage d’un grand commerce