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l’on abrège aujourd’hui le délai légal, et la préfecture de police, gardienne de la santé publique, a seule le droit, sous sa responsabilité, de prendre des mesures en conséquence. En comprenant le temps employé au service religieux et au trajet fort long et fort lent à travers Paris, on peut compter que le délai a toujours été dépassé lorsqu’un corps arrive au cimetière, où l’attendent une fosse préparée et les fossoyeurs chargés de l’inhumer.


II. — LES CHARNIERS.

Cimetière, en grec, c’est ϰοιμητήριον, l’endroit où l’on dort. — Le vieux Paris n’avait pas ménagé ces lieux de repos ; on enterrait partout, dans les églises d’abord, place d’honneur où l’on accordait sépulture en échange de quelque rente perpétuelle. Le donataire qui avait fait construire ou orner une chapelle à ses frais avait le droit de s’y faire inhumer et parfois même d’y admettre quelques amis, témoin cette chapelle dédiée à saint Vincent de Paul, dans l’église Saint-Paul de la rue Saint-Antoine, où les La Meilleraye avaient un tombeau qui reçut le corps de George Cadoudal en 1804 et le garda jusqu’en 1814. Nos églises actuelles sont pleines encore de monumens funéraires, datant des siècles passés et indiquant avec quelle ardeur on se portait vers les lieux saints pour y reposer près des reliques sacrées, dont on espérait que le contact ne serait pas inutile au salut éternel, et dans la foi touchante que l’âme participerait au bénéfice des prières récitées chaque jour. Il n’y avait guère que les gros personnages de la noblesse, du clergé, de la robe, de la finance ; le menu fretin des trois ordres et toute la population s’en allaient simplement en terre comme de petites gens qu’ils étaient. Aussi les cimetières abondaient, le plan de Gomboust est parsemé de groupes de croix cernés d’un trait qui les indiquent : cimetière Saint-Nicolas, proche la rue Troussenonnain, — cimetière Saint-Paul, où Rabelais fut enterré sous un noyer, — cimetière Saint-Séverin, d’où s’élevait une buée malsaine quand soufflaient les vents d’ouest, — cimetière Saint-Joseph, où nous avons fait un marché, — cimetière de la Trinité, près la rue Grenéta, d’où l’on enleva plus de quarante tombereaux d’ossemens en 1858, — cimetière Verd, près la rue de la Verrerie, — cimetière Saint-Médard, où les convulsionnaires se donnaient en spectacle, — cimetière aux carmes, aux capucins, aux chartreux, — cimetière aux Incurables, à la Charité, aux Petites-Maisons, — cimetière à tous les hospices, cimetière à tous les couvens. Les bourgades de morts étaient disséminées tout à travers la ville des vivans.

Aussi, lorsque l’on entreprit ces travaux d’amélioration qui ont