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afin de préparer des maîtres de langue russe pour les gymnases de l’arrondissement de Dorpat. En second lieu, il a ouvert à Riga le gymnase Alexandre, où toutes les branches sont enseignées en russe, et il établira prochainement à Réval un second gymnase russe qui, comme celui de Riga, portera le nom d’Alexandre, et qui sera aussi convenablement doté. Il est naturel que le gouvernement s’efforce de répandre la langue nationale dans les provinces d’origine étrangère. La France a fait ainsi en Alsace et dans la Flandre française, et la Prusse dans le duché de Posen; mais il faudrait éviter tout ce qui semble une persécution ou une atteinte à l’attachement très naturel des populations pour leur langue maternelle. Les mesures de compression provoquent l’esprit de résistance et rendent bien plus difficile l’assimilation que l’on poursuit.

Il est un point où la Russie l’emporte sur plus d’un pays de l’Occident, c’est l’instruction des filles de la classe aisée. Chez nous, on ouvre des lycées et des collèges pour les jeunes gens, mais les jeunes filles reçoivent leur instruction dans les couvens. Il en résulte trop souvent une opposition complète entre les idées du mari et celles de la femme, l’un tout dévoué aux idées modernes, l’autre aveuglément soumise aux influences ultramontaines. En Russie, l’état, les provinces et les municipalités ont créé des gymnases et des progymnases de filles dont l’enseignement atteint un niveau élevé, à en juger par les connaissances et la supériorité des femmes russes qui ont suivi les cours de ces établissemens. Il existe même à Moscou une école, l’institut Fischer, où l’on a complètement adopté le programme des gymnases de garçons. Un professeur de l’université de Moscou a fondé des cours supérieurs pour les femmes, qui peuvent ainsi acquérir une instruction universitaire; c’est la réalisation de l’idée si féconde que M. Duruy aurait mise à exécution en France sans l’opposition acharnée des évêques. En Russie comme aux États-Unis, les femmes peuvent s’initier aux hautes sciences historiques, naturelles ou philologiques sans encourir l’excommunication. De 50,000 roubles, l’état a porté ses subsides pour les gymnases de filles à 100,000 roubles d’abord en 1873, puis à 150,000 roubles en 1874. A la fin de 1871, il existait 186 établissemens d’enseignement moyen et supérieur pour les filles, coûtant environ 2 millions 1/2 de francs et comptant 23,404 élèves. Le nombre total des établissemens scolaires de tous les degrés s’élevait en janvier 1872 à 1,081, comprenant 38,430 élèves, dont 16,641 garçons et 21,789 filles; donc, chose remarquable, plus de filles que de garçons. Presque toutes les écoles privées se trouvent à Saint-Pétersbourg et à Moscou; 835 correspondaient à des écoles primaires.

La Russie a 8 universités organisées sur le modèle de celles de