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décréter en Russie ni l’enseignement obligatoire, comme en Allemagne, ni même l’école obligatoire pour chaque commune, comme en France.

Sans doute, il est impossible de songer à introduire immédiatement en Russie les institutions scolaires des pays occidentaux. Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher des précédens à imiter. Les conditions géographiques et économiques sont trop différentes; mais il est un pays où se rencontrent les mêmes difficultés que dans l’empire russe, et même plus grandes encore, et où cependant l’instruction est aussi généralement répandue qu’en Suisse, en Allemagne ou en Danemark : c’est la Norvège. En Norvège, la population est encore plus éparpillée qu’en Russie, car on ne compte que 4,7 habitans par kilomètre carré. Le territoire est partout entrecoupé de vallées profondes et de hauts plateaux inhabitables; le climat est aussi rude, les neiges et les boues aussi abondantes, et les hameaux aussi petits, car souvent ils ne se composent que de deux ou trois fermes perdues dans le désert. Néanmoins tous les Norvégiens et même beaucoup de Lapons savent au moins lire et écrire, et les paysans possèdent généralement une instruction solide et assez développée. Comment a-t-on obtenu ces résultats extraordinaires? Au moyen de l’école ambulante, flyttante skola. Un maître d’école parcourt un district en s’arrêtant successivement dans chaque hameau. Il est reçu dans l’une ou l’autre ferme, où il est entretenu, et il réunit autour de lui les enfans des habitations voisines. Comme ils sont peu nombreux, le maître peut s’occuper de chacun d’eux individuellement et longtemps, et ainsi ils font beaucoup de progrès en peu de temps; après son départ, la mère, qui sait lire, fait répéter ce qui a été appris, et prépare ses enfans à recevoir une nouvelle dose d’instruction au retour de l’instituteur. L’enseignement populaire a été d’abord répandu en Norvège et dans le nord de la Suède presque exclusivement par les maîtres ambulans. En 1840, il y avait en Norvège 7,133 écoles ambulantes et seulement 222 écoles fixes. Depuis que le pays s’est enrichi et que les paysans se sont imposés plus de sacrifices pour améliorer l’instruction, cette proportion s’est complètement modifiée. Le recensement scolaire de 1863 donnait 3,560 écoles ambulantes et 2,757 écoles fixes, — le recensement de 1866, 3,999 écoles fixes et seulement 2,345 écoles ambulantes.

La Russie devrait en tout suivre l’exemple de la Norvège, et commencer par l’école ambulante. Le colporteur joue déjà un rôle considérable dans la vie rurale russe ; il apporte les produits des industries lointaines et les nouvelles du dehors. Il représente ainsi à la fois le commerce et la presse. L’instituteur ambulant serait le