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cependant elles sont une conséquence du régime concordataire, et elles dégagent au moins la responsabilité du pouvoir civil. Ce que nous lui refusons absolument, c’est d’interdire la doctrine elle-même, fût-elle aussi dangereuse que l’infaillibilité papale, tant qu’elle reste à l’état d’opinion, et d’empêcher l’église qui l’adopte de la mettre en pratique dans sa discipline; sinon il lui faudrait mettre hors la loi le catholicisme ultramontain tout entier, les résignés aussi bien que les ardens. Le Syllabus, nous en convenons, présente plus de difficultés que le dogme de l’infaillibilité, parce qu’il tend à en faire ressortir les conséquences sociales. Pourtant, si l’on se contente de ses formules générales, que par d’incroyables artifices d’interprétation des évêques au fond opposés à l’ultramontanisme ont cherché à détourner de leur sens naturel, il ne saurait à lui seul être une cause d’exclusion et de condamnation. Il n’en serait plus de même, si l’église en faisait une arme contre la législation du pays et prêchait la révolte ouverte contre sa constitution. Alors l’enseignement, soit dans les séminaires, soit dans la chaire, serait un délit qui mériterait d’être poursuivi et châtié. Ici se présente la question fort complexe des ordres religieux; il en est qui, comme les jésuites, sont les soutiens reconnus du régime théocratique. Cette fois encore nous appliquerions la règle de conduite que nous avons déterminée pour les dogmes dangereux à l’état. Si un ordre se borne à un enseignement purement théorique, il doit jouir des immunités de la chaire catholique, même quand on pourrait inférer de cet enseignement des conséquences fâcheuses. Ce n’est pas à l’état de faire le dialecticien et de conclure des idées aux actes. Si cet ordre au contraire est convaincu d’avoir prêché la révolte ou de l’avoir favorisée, il doit être traité comme toute association qui met l’état en péril. Il faut d’ailleurs distinguer dans un ordre religieux la corporation qui veut posséder comme personne morale et l’association religieuse. La première est nécessairement sous l’entière dépendance de l’état, la seconde doit bénéficier du droit commun, et il n’est pas permis de l’exclure. Il vaut mieux, disait très bien l’ancien président de la confédération suisse, ouvrir une école que de fermer un couvent. Ce n’est pas la peine de bannir un jésuite pour chasser une liberté.

Venons-en maintenant au cas où le conflit a éclaté par la faute de l’ultramontanisme, comme à Genève, où il a violé les traités conclus. La résistance est alors un devoir pour l’état, mais à deux conditions : c’est d’une part qu’il ne sorte pas du droit commun, qui fournit toutes les ressources nécessaires à la défense sociale; c’est de l’autre qu’il ne se mêle pas d’organiser lui-même l’église par des constitutions civiles du clergé qui aboutissent promptement à