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les passions politiques s’épurent et s’apaisent. Les murmures et les interruptions sont l’exception, et il faut l’éloquence d’un orateur comme M. Cérésole pour arracher des applaudissemens à cette grave assemblée, où l’on retrouve, dans leur type le plus original, les diverses nationalités qui composent la confédération helvétique. C’est avec un sentiment de respect sympathique que l’on franchit l’enceinte de cet inviolable asile de l’indépendance d’un peuple fier et généreux, qui n’a plus qu’à savoir borner sa propre souveraineté pour être un modèle et une consolation aux amis de la liberté.

Les députés catholiques ouvrirent le feu. — Ils étaient appelés, par la nécessité de leur situation, à prendre en cause cette liberté religieuse tant de fois condamnée par leur chef spirituel. Leurs adversaires ne manquèrent pas de leur opposer à chaque instant l’infaillibilité et le Syllabus. Leurs réponses étaient embarrassées quand ils cherchaient à concilier leur libéralisme du jour avec les doctrines de la papauté. Cependant il serait en vérité trop commode de refuser le droit commun aux ultramontains parce qu’ils l’ont méconnu; le plus beau triomphe pour la liberté, c’est d’amener ses adversaires à l’invoquer et à lui rendre hommage. Le premier orateur entendu, M. de Segesser, député de Lucerne, eut le tort de demander que la confédération reconnût et protégeât non-seulement la liberté religieuse en soi, mais encore les droits relatifs à la propriété et à la liberté de culte de la confession évangélique réformée et de la confession catholique romaine. C’était sortir du droit commun, et le conseil national dut écarter ce contre-projet. Où la réclamation des députés catholiques était parfaitement fondée, c’était sur l’interdiction aux couvens existans de recevoir des novices ; on les condamnait ainsi à mourir à petit feu. C’était une aggravation flagrante de la défense de fonder des couvens nouveaux, mesure injustifiable au point de vue de la liberté, car, tant qu’une congrégation n’a pas violé les lois du pays, elle est une forme respectable du sentiment religieux, elle est fondée à invoquer le droit d’association. Le conseil national n’a pas adopté l’avis de sa commission en ce qui concerne l’interdiction d’admettre des novices dans les couvens existans; il s’est contenté de confirmer l’expulsion des jésuites et de défendre la fondation de nouvelles maisons religieuses sur le territoire suisse. Il a écarté la clause qui demandait des examens d’état pour tous les ecclésiastiques. Malheureusement il ne s’est pas rendu aux justes observations qui avaient été faites sur l’article d’après lequel « aucun citoyen ne pouvait être soumis à des peines, de quelque nature qu’elles fussent, pour cause d’opinion religieuse. »

Les députés de la minorité demandaient que l’on spécifiât qu’il