Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/760

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autant de colères contre leurs remplaçans que d’enthousiasme pour eux-mêmes. L’histoire avait appris déjà ce qu’il en coûte de mettre le feu aux passions religieuses. Il faut reconnaître aussi que les autorités locales ont eu la main lourde, et que des mesures iniques ont été appliquées sans ménagement.

Le conseil d’état ne s’en est pas tenu là : il a porté la question devant le grand-conseil du canton dans les séances du 12 et du 13 janvier 1874 pour demander des pleins pouvoirs. Les orateurs du gouvernement sont entrés dans les plus minutieux détails pour établir que les prêtres réfractaires étaient des agens de désordre ; ils n’ont pas reculé devant les incidens puérils ou comiques qui montrent à quel point les esprits sont surexcités. Malgré les réclamations de M. Folletète, député catholique du Jura bernois, le grand-conseil a voté les pleins pouvoirs demandés par le conseil d’état, et le premier usage qu’il en a fait a été de décréter l’expulsion momentanée des curés réfractaires de leurs districts respectifs. La minorité catholique du grand-conseil de Berne avait porté dès le 13 novembre 1873 ses réclamations au conseil fédéral, et celui-ci avait donné un préavis par lequel il écartait ce recours comme tous les autres. La haute assemblée fédérale ayant adopté ce préavis, le recours a été rejeté. Il nous parait qu’après une telle décision il n’y a plus lieu d’en appeler jamais dans des cas pareils aux conseils de la confédération, et qu’il faut au moins attendre la révision constitutionnelle. On peut espérer que les nouvelles chambres fédérales se croiront mieux armées alors pour protéger le droit de la conscience et ne seront pas tentées d’imiter notre ancien sénat, qui avait été déclaré par Napoléon III gardien de la liberté religieuse ; ce ne fut pas la moindre de ses sinécures.


III.

Avant d’en venir à la révision fédérale, il faut signaler des mesures législatives importantes prises dans divers cantons, et qui révèlent la même tendance de la part de l’état démocratique à exagérer ses pouvoirs dans l’organisation des églises nationales, qu’elles soient catholiques ou protestantes. Les conflits religieux ont été la cause ou l’occasion de ces essais de réorganisation ecclésiastique. C’est encore à Berne que la pensée inspiratrice qui leur est commune se manifeste avec plus de netteté. L’exposé des motifs de la législation nouvelle, présentée au grand-conseil par le pouvoir exécutif au commencement de cette année, déclare nettement que le dessein que l’on poursuit est la transformation de l’église bernoise en une église vraiment démocratique. Le grand-conseil a soin d’expliquer