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suprême de l’église. Tout observateur impartial de ces conflits religieux conviendra qu’il n’est pas possible à un prêtre qui n’a pas rompu avec l’église romaine de tenir un autre langage. Le seul grief reproché à son évêque, c’est en définitive qu’il est orthodoxe et accepte le concile. Le gouvernement qui lui demande de désavouer son supérieur ecclésiastique dans de telles conditions le place entre la lâcheté et la résistance. En définitive, ce sont les partisans du Syllabus qui ont ici représenté la liberté de conscience vis-à-vis de ces protestans inconséquens. On s’imagine encore dans ce cas répondre à toutes les objections en disant que ces curés n’ont qu’à se séparer de l’état et à se placer sur le terrain de la liberté générale. Ce serait très bien, si les populations catholiques du Jura bernois étaient en majorité de cet avis, mais il n’en est rien; elles se plaignent qu’on les prive de la répartition des fonds budgétaires auxquels elles contribuent par l’impôt, et c’est leur faire tort que de les mettre ainsi brusquement en dehors des cadres de l’église nationale uniquement parce qu’elles sont demeurées fidèles à leur foi catholique.

On ne saurait reprocher au gouvernement bernois des hésitations et des timidités dans sa politique religieuse. A peine avait-il reçu la protestation des curés, qu’il prit la résolution, à la date du 18 mars 1873, de proposer à la cour d’appel et de cassation du canton, qui est chargée de décider dans tous les cas de révocation, de destituer le clergé récalcitrant. Ce haut tribunal a rendu son arrêt le 15 septembre; il a prononcé la révocation. L’arrêt renfermait ce considérant vraiment dépouillé d’artifice : « attendu que les curés bernois ont contrevenu à leurs devoirs de fonctionnaires établis, salariés et assermentés, ils sont indignes ou incapables d’être maintenus à la tête des paroisses. » Cela revient à dire que, pour être digne d’être curé, il faudrait se montrer indigne d’être prêtre ou ministre d’une religion qui a souci de son indépendance. Chose remarquable, sur trois juges de la cour d’appel, deux étaient catholiques, et c’est le protestant qui fit la minorité. Rien ne prouve mieux à quel point la question de droit prime dans cette grave affaire toutes les questions confessionnelles.

Au moment où il allait donner force de loi à la décision de la cour d’appel et de cassation, le gouvernement bernois trouva bon de lancer un violent factum contre le catholicisme ultramontain, sous la forme d’un mandement pour le jeûne fédéral. En Suisse, on a gardé la coutume, dans plusieurs cantons, de célébrer tous les ans une grande solennité religieuse et nationale qui est inaugurée par une sorte d’homélie gouvernementale destinée à être lue dans toutes les chaires. Les pouvoirs publics qui en sont chargés