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de l’infaillibilité, comme c’était son devoir d’évêque catholique non séparé du saint-siège. Le mouvement vieux-catholique venait d’éclater dans la Suisse allemande, à Zurich et à Olten; il avait aussitôt pris une consistance sérieuse, et il avait trouvé très bon accueil auprès des gouvernemens cantonaux, qui avaient provoqué les populations à décider elles-mêmes de leurs préférences. Rien n’était plus correct, c’était non pas une constitution civile du clergé élaborée par un corps politique, mais la mise en demeure des fidèles de choisir entre deux formes religieuses que l’état ne se chargeait pas d’organiser. Le mouvement vieux-catholique avait eu son contre-coup dans l’évêché de Bâle; deux curés en avaient porté les doctrines en chaire. L’évêque Lachat les avait frappés d’excommunication; il ne pouvait agir autrement, une fois le dogme de l’infaillibilité proclamé. La conférence diocésaine n’avait qu’une chose à faire, c’était de convoquer les deux paroisses et de reconnaître le ministère des curés excommuniés au cas où les catholiques l’auraient réclamé en majorité. Le régime de la séparation eût mieux valu sans doute que ce recours aux subsides et à la protection du pouvoir civil, cause constante de réclamations contradictoires; mais, tant que le régime de l’union des deux sociétés subsiste, le devoir des gouvernemens est de soutenir tout culte sérieux en ne se laissant guider que par le vœu des citoyens, également tenus de subvenir par l’impôt aux dépenses des diverses églises. Ce n’est pas ainsi que l’entendit la conférence diocésaine. Convoquée à Soleure le 19 novembre 1872, elle somma M. Lachat de retirer l’excommunication dont il avait frappé les deux curés, et de ne plus enseigner le dogme de l’infaillibilité. L’évêque refusa de se soumettre à une semblable injonction, et la conférence diocésaine le révoqua par un arrêté du 19 janvier 1873. Il lui était interdit d’exercer à l’avenir les fonctions épiscopales dans les cantons diocésains. Un délai lui était fixé par le gouvernement de Soleure, à l’expiration duquel il devait avoir quitté le palais épiscopal. Communication de ces décisions serait donnée au conseil fédéral avec prière de les faire parvenir au saint-siège. Ces décisions furent prises par cinq voix, parmi lesquelles on remarquait la délégation des quatre cantons protestans et celle du canton de Soleure, gagné en grande partie au vieux-catholicisme. Zug et Lucerne formaient la minorité. On sait que dans le délai fixé ces résolutions furent appliquées à l’évêque, qui ne céda qu’à la force. Il fut emmené sous la conduite de la gendarmerie aux frontières du canton de Soleure.

Cette grave affaire a été portée en appel à Berne par l’évêque Lachat, par ses collègues dans l’épiscopat et par des délégués d’assemblées populaires catholiques. On peut s’en faire une juste idée grâce