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bien plus qu’au point de vue politique. Une majorité radicale remplaça la majorité libérale. La nouvelle assemblée se montra disposée à inaugurer une lutte à outrance contre l’ultramontanisme. Un projet de loi fut proposé pour soumettre les congrégations catholiques existantes à une nouvelle demande d’autorisation qui les faisait dépendre du bon plaisir du conseil d’état. Les promoteurs de la loi s’appuyaient sur l’article 14 de la constitution de 1847, qui portait qu’aucune congrégation ou corporation ne pouvait s’établir dans le canton sans l’autorisation du grand-conseil, accordée sur le préavis du conseil d’état. Personne jusqu’à cette époque n’avait songé à donner à cet article un caractère rétroactif; aussi avait-on laissé en paix les quelques congrégations enseignantes ou charitables qui s’étaient introduites dans le canton. Le parti libéral du grand-conseil, qui comptait des protestans éminens comme MM. Pictet et A. Roget, soutint qu’on ne pouvait revenir sur des faits acquis tant que l’ordre public n’était pas menacé, que d’ailleurs ce que la loi de 1847 avait voulu empêcher, c’était, non pas une simple association de religieux qui peut se réclamer du droit commun, mais l’établissement sans autorisation de corporations agissant comme personnes morales avec le droit d’acquérir et de posséder. Cette distinction est essentielle; dès qu’on la méconnaît, on supprime non-seulement la liberté religieuse, mais la liberté d’association. Le grand-conseil de Genève fut renouvelé en 1871 dans un sens encore plus radical, et la loi fut votée aux applaudissemens des autoritaires de la démocratie; elle fut appliquée capricieusement, comme les lois de ce genre, et elle débuta en frappant les sœurs de charité et les frères de la doctrine chrétienne. Le conseil d’état avait la main malheureuse.

Un nouveau conflit bien plus grave fut provoqué par la curie romaine. On a vu que les paroisses catholiques du canton de Genève avaient été rattachées au diocèse de Fribourg par un accord conclu entre l’état genevois et la papauté en 1821 ; aucune modification ne pouvait y être apportée sans l’aveu des deux parties contractantes. L’abbé Mermillod avait évidemment formé le dessein de devenir l’évêque de l’antique métropole du calvinisme. Dès 1864, le nouveau curé de Genève apprenait au conseil d’état que le pape l’avait nommé évêque in partibus d’Hébron. On s’en émut fort peu; Hébron était bien loin! Ce qui était plus grave, c’est que l’évêque de Fribourg annonçait au gouvernement genevois que l’abbé Mermillod remplirait désormais les fonctions d’évêque auxiliaire. Le conseil d’état répondit qu’il était bien entendu que le seul évêque de Genève restait à Fribourg. Il écarta péremptoirement une demande détournée que fit Mgr Marilley en juillet 1865 pour changer cet état de choses; aussi la surprise fut-elle grande lorsque, dans le courant