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avaient fait partie du territoire sarde; elle fut adoptée à l’unanimité.

La paix religieuse paraissait donc assurée sur la base de la liberté de conscience, quand tout changea en 1871, par suite de l’impulsion que le concile du Vatican avait donnée au parti ultramontain. Celui-ci sans doute n’était pas resté dans les bornes de la modération pendant la période précédente. La cure catholique de Genève avait été un foyer d’opposition; le curé Vuarin avait dès 1835 lancé un factum véhément contre « les pièges tendus par l’hérésie à la foi de la population catholique. » Il n’avait pas perdu une occasion de faire une résistance hautaine à l’autorité civile. L’abbé Marilley, qui avait signé son réquisitoire de 1835, ne fut pas agréé comme son successeur par le gouvernement genevois, et son insistance à s’emparer de la cure amena en 1842 son expulsion du territoire suisse. Il n’y rentra que comme évêque de Fribourg en 1846, et à ce titre il devint le surintendant des catholiques de Genève, qui faisaient partie de son diocèse depuis la convention passée en 1821 avec le saint-siège. Il avait été remplacé à Genève même par l’abbé Gaspard Mermillod. A en juger d’après les apparences, M. Mermillod semblait fait pour ce poste : insinuant et habile, on eût dit que nul ne saurait comme lui éviter les violences inutiles, adoucir par la séduction des manières une position délicate. Pourtant toutes ces grâces ecclésiastiques n’étaient pas précisément ce qui pouvait accroître son influence sur cette terre classique de l’austérité protestante. Le type de l’abbé de salon n’est pas à sa place dans la patrie de Calvin : trop d’habileté apparente y équivaut à la maladresse parce qu’elle fait dépasser le but ; d’ailleurs sous cette parole mielleuse on sentait l’esprit de domination de l’ultramontain. On se souvenait que l’abbé Mermillod s’était écrié à Annecy dans une fête en l’honneur de saint François de Sales : « grand saint, prêtez-moi un cœur et des lèvres comme les vôtres pour que Genève, ressuscitée, vienne s’agenouiller aux pieds d’Annecy. » Ceux qui ont eu l’honneur de rencontrer M. l’abbé Mermillod à Rome pendant le concile savent quel zèle il a déployé pour le triomphe du nouveau dogme. Il a été le factotum de l’infaillibilité. Quand il revint à Genève après le concile, on voyait en lui un des représentans les plus attitrés de l’ultramontanisme triomphant. Il ne se fit pas faute de célébrer la défaite du catholicisme libéral.

Rien n’était plus propre à réveiller les susceptibilités protestantes et les passions radicales. On ne s’en aperçut que trop promptement aux élections pour le grand-conseil, qui eurent lieu en novembre 1870, au lendemain du concile; elles se firent au point de vue confessionnel