Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’écluses et de canaux qui les amènent à l’usine, il faut remonter jusqu’au sommet des montagnes, sur la pente desquelles des rigoles alimentées par un lac supérieur conduisent aux bassins les arbres abattus et débités. Les trois quarts du domaine forestier, situés sur des montagnes, ne pouvant en effet être mis en communication par des routes régulières avec les centres industriels, on a dû employer comme combustible des bois de quatre-vingts ans, hêtres et sapins, qu’il eût été plus profitable d’utiliser comme bois d’œuvre, et encore a-t-il fallu pour cela se servir des cours d’eau qui prennent leur source sur les plateaux supérieurs, et que l’on amène dans de larges coulisses ou glissoires en bois jusqu’à l’extrémité inférieure des coupes. L’eau, poussée par une énorme pente, chasse devant elle avec une force irrésistible les bûches de 1 mètre à 1m, 50 de long et les précipite dans ces larges bassins, où elles s’entassent. Lorsque la quantité est suffisante, le travail des glissières s’arrête, on ouvre les écluses du lac supérieur, situé dans la partie la plus élevée du canton de Franzdorf et dont les eaux ont été soigneusement aménagées par des barrages; l’amas des bassins se soulève d’abord lentement, puis un bruit singulier se fait entendre, et en quelques minutes le tout est jeté pêle-mêle dans la Berszawa, qui, à 30 kilomètres en aval, traverse l’usine de Reschitza, d’où le charbon est transporté par un petit chemin de fer spécial à forte pente et à courts rayons.

L’aspect du vaste domaine forestier est admirable; la hauteur et la grosseur des arbres égalent ce que la France et l’Angleterre elle-même offrent de plus beau, et sans aucun doute la compagnie, si elle pouvait les utiliser mieux, y trouverait des produits incalculables : en effet, sur 86,000 hectares de forêts on ne compte pas moins de 32,000 hectares de bois de cent ans, 4,600 de quatre-vingts à cent et autant de soixante à quatre-vingts ans. L’essence de ces bois, hêtres rouges et sapins, est propre aux emplois les plus rémunérateurs : dans les parties où les taillis prédominent, on trouve en quantité des chênes magnifiques; la compagnie améliore de plus en plus le régime de l’aménagement, de la reproduction et de l’exploitation de ses forêts. Pourvue de directeurs expérimentés, avec les ouvriers bulgares, très habiles bûcherons, elle tire de plus en plus parti de ses richesses; mais pour établir un système de viabilité suffisant et propre à amener aux lieux de consommation les bois destinés à la main-d’œuvre, il faudrait exécuter des travaux beaucoup trop coûteux eu égard au prix auquel on pourrait vendre les produits. Le Banat n’offre aucun moyen de les utiliser, et les consommateurs possibles sont trop loin. La carbonisation est donc l’emploi principal de la production des forêts, et c’est au profit des usines qu’elle s’exerce. Depuis l’origine de la société jusqu’à 1872,