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population du Banat donne les forestiers les plus habiles, les hommes les plus robustes, les femmes les plus belles.

Quand on veut visiter les propriétés de la compagnie, après un séjour à Pesth, il faut prendre le chemin de fer qui parcourt la ligne du sud-est jusqu’à Temeswar; on traverse d’abord des centres de population importans, tels que Czegler, Szegedin, etc., qui comptent jusqu’à 60,000 habitans, mais auxquels on ne peut donner que le simple nom de villages, vu l’absence de tout monument, la rusticité des habitations et l’état des voies de communication. C’est encore le système des agglomérations de cultivateurs parsemées à grandes distances dans des plaines sans fin où ondulent des blés à perte de vue. Au-delà de Temeswar, l’aspect change, les villages se rapprochent, les constructions ont plus d’importance, le pays est plus varié, enfin le voisinage des forêts s’annonce. Les montagnes détachées de la chaîne des Carpathes se dressent dans le lointain. Les deux centres principaux d’activité des possessions de la Compagnie autrichienne sont Oravitza et Steyerdorf ; c’est à Oravitza qu’on se rend en premier lieu. Comme tous les villages du Banat, il se divise en deux sections parfaitement distinctes, le village allemand, le village roumain. L’un a gardé l’organisation qui date de Marie-Thérèse, mais il a pris les habitudes, les costumes modernes; dans l’autre, la race semble n’avoir été modifiée par aucun croisement. Tandis que l’Allemand, au type et aux noms lorrains, se prête à tous les métiers d’adresse, à toutes les transformations de l’industrie, le Roumain, aux cheveux noirs, au nez aquilin, à la lèvre fière recouverte d’une moustache épaisse, cultive la terre et conduit les chars à bœufs, vêtu de la chemise de toile blanche, de la veste soutachée et des larges pantalons flottans. Dans les jours de fête, qui se terminent par des danses bruyantes et de trop copieuses libations, rien n’est pittoresque comme la variété des couleurs qui distinguent le costume des belles Roumaines, sœurs par le nom et la physionomie des Transtévérines de Rome. Une large chemise serrée à la taille, ornée au cou et sur les épaules de broderies rouges, une ceinture aux couleurs voyantes, qui maintient sur les hanches un double tablier, dont le devant est d’étoffe mélangée rouge ou verte, et dont le pan de derrière est terminé par une longue frange, un fichu blanc sur la tête retenu par des rubans et des torsades, composent l’ensemble le plus charmant à l’œil, quand il n’est pas sali dans les rudes travaux des champs, auxquels les femmes valaques restent soumises.

Tout n’est pas malheureusement à louer dans les habitudes physiques et morales de cette robuste population, et la société, chargée de l’entretien du culte et de l’instruction, a fort à faire pour remédier à l’ignorance du clergé grec en général et à la brutalité de