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beurre au jour fixé. Chargé de l’achat du poisson et des viandes salées, il fallait qu’il fût « homme entendu et soigneux. » Nos contre-maîtres de cale ne sont plus que le pâle reflet de ce personnage important, en qui se concentraient les triples attributions du contre-maître, du commis aux vivres et du magasinier.

Le cuisinier apprêtait déjà au XVIIe siècle ce brouet noir du matelot qui n’a guère changé depuis deux cents ans, — « potage au gras, potage de pois ou de fèves. » — Ce maigre festin était servi à l’équipage trois fois par jour. L’ordonnance de Mgr le cardinal assignait d’ailleurs au cuisinier une place fort honorable dans la hiérarchie militaire. Le cuisinier était officier marinier tout aussi bien que le maître, le canonnier, le prévôt ou le pilote. En revanche, il lui était recommandé « d’être fort propre de linge et de nettoyer soigneusement ses chaudières. »

Il faudrait tout citer, si l’on voulait montrer à quel point M. de Manty et ses collaborateurs s’étaient montrés prévoyans; bornons- nous à indiquer sommairement les fonctions spéciales des officiers mariniers que nous n’avons pas mentionnés encore. Le charpentier « visitait ce qui était affaire de charpenterie et de calfatage; » le trainier « ne souffrait pas dans la voilure un trou grand comme un pois qui ne fût raccommodé ; » le tonnelier a devait être perpétuellement auprès de ses tonnes et de ses barriques; » le caporal, « soldat hardi, » apprenait à ses hommes l’exercice du mousquet; les quartiers-maîtres se tenaient près du gouvernail pour s’assurer que les timoniers suivaient exactement la route qui leur avait été donnée. Telle était en 1634, sur un vaisseau de premier rang monté par 400 ou 500 hommes d’équipage, la composition de ce que nous nommons aujourd’hui le petit état-major. Le grand état-major se composait : du capitaine, du lieutenant, quelquefois d’un enseigne, du chapelain, de l’écrivain, du chirurgien et de son barbier. Le lieutenant faisait le second quart de nuit et la seconde veille de jour. Il assistait aux repas de l’équipage « pour aviser aux crieries et disputes qui pouvaient arriver[1]. » Son principal office était de suppléer le capitaine en cas d’absence, de le remplacer en cas de mort ou de maladie. L’enseigne n’était, à proprement parler, qu’un second lieutenant, un lieutenant aux gages de 50 livres. Le temps vint, s’il faut en croire les déclarations de Colbert, où, la faveur présidant sans discernement à la distribution des emplois, plus d’un capitaine dut payer de ses propres deniers un supplément de solde au lieutenant, dont le concours était indispensable à son insuffisance; une

  1. Les lieutenans se dispensent aujourd’hui de ce soin. Ils s’y astreignaient encore quand je suis entré dans la marine.