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butin appartenait à ces deux associés, le dixième à l’amiral, le reste aux compagnons de guerre, c’est-à-dire à l’équipage, soldats ou matelots.

De la course à la piraterie, en ces temps troublés, il n’y avait qu’un pas. Aussi fut-il ordonné en 1543 que « de toutes les prises faites en mer, deux ou trois prisonniers au moins, des plus apparens, seraient amenés devers l’amiral, son vice-amiral ou son lieutenant, afin, si la prise avait été bien faite, de la déclarer telle, sinon de la restituer à ses légitimes possesseurs. » Il fallut prendre également des mesures pour prévenir le pillage et la fraude de la part des compagnons de guerre. Ces bandits, à la fois sacrilèges et parjures, ne craignaient pas de faire venir un prêtre et de prêter serment en sa présence, sur le pain, sur le vin, sur le sel, de ne rien révéler de tout ce qu’ils pourraient dérober à bord des prises. L’autorité royale édicta contre cet abus les peines les plus sévères. Elle dut s’occuper à la même époque de mettre un terme « à ces mutinations et querelles » par lesquelles les équipages contraignaient si souvent les capitaines « à se soumettre à leur simple vouloir. » Le roi Henri II autorisa, en pareille circonstance, l’emploi des moyens les plus énergiques. Il voulut que les capitaines « restassent les plus forts. » Sur l’avis de sept « des principaux du navire, » la seule vérité du fait étant connue, la sentence était prononcée, et, fût-ce sentence de mort, elle était exécutée sur-le-champ. Il n’y avait à cette époque, on le comprendra sans peine, que des âmes fortement trempées qui pussent affronter ce qu’on appelait déjà, mais avec infiniment plus de raison qu’aujourd’hui, les hasards de la mer. La famine, la peste, le naufrage, étaient les épreuves habituelles de la plupart des expéditions. Quelque sédition grondait toujours au sein des équipages ; on n’attendait pas de quartier de l’ennemi, on ne songeait pas à lui en faire. Telle fut la marine au XVIe siècle, la marine des gueux de mer, des corsaires normands et des aventuriers anglais.

Avec le XVIIe siècle s’ouvre une autre époque; les flottes régulières commencent à se constituer. Les deux grandes puissances du nord, la Suède et le Danemark, devancèrent dans cette voie non-seulement la France, qui n’eut une marine que sous Richelieu, mais l’Angleterre même et les Provinces-Unies. La Suède possédait à la fois le bois, le fer et le cuivre; la main-d’œuvre y était à vil prix. Elle ne tarda pas à fabriquer des navires et des canons pour tous les peuples. On comptait en 1643 dans ses arsenaux 8,000 bouches à feu et 50 navires de guerre portant pour la plupart cinquante canons de fonte.

Uni à la Norvège, le Danemark n’en tenait pas moins la flotte