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Les caraques des Vénitiens, les galions des Espagnols, le grand vaisseau des Suédois, le Non-Pareil, qui portait deux cents canons, et qui périt en 1564, étaient, comme le Great-Harry et la Cordelière, des navires à plusieurs étages, mais ces constructions massives ne figuraient encore dans les armées navales qu’à l’état d’épouvantail. La gaucherie de leur manœuvre leur réservait généralement un sort funeste. Il était surtout périlleux de les aventurer dans les mers étroites, où tout semblait leur manquer à la fois : l’espace, le fond et les abris. « Ce qui est tempête à un petit vaisseau, écrivait en 1643 l’auteur de l’Hydrographie de la mer, le révérend père Fournier, n’est que bon temps à un galion; mais le galion est difficile à loger, car il y a fort peu de havres où il puisse entrer. Aussi les Anglais, les Hollandais et les Portugais, qui se servent de galions, ne reviennent-ils jamais chez eux qu’en été, où les nuits sont courtes, et où l’on peut de loin reconnaître les côtes. »

Le nom de galion emportait l’idée de pesanteur, celui de frégate l’idée de vitesse. La frégate avait d’abord été une sorte de galère pontée, construite pour naviguer à la voile aussi bien qu’à la rame. Il y eut des frégates anglaises plus grandes que la plupart des vaisseaux hollandais; on en compta dont la taille dépassait à peine les dimensions d’une chaloupe. Les charpentiers avaient commencé par donner pour largeur aux vaisseaux le tiers de la longueur. Les Anglais les premiers changèrent cette proportion; ils allongèrent les anciens galions ou, suivant l’expression de Seignelay, ils les frégatèrent. En 1626, sous le règne de Charles Ier, les navires de la marine royale furent pour la première fois partagés en six classes distinctes. Les vaisseaux de premier rang eurent trois batteries couvertes et deux gaillards, c’est-à-dire deux portions de pont complètement isolées l’une de l’autre. Le deuxième rang comprit quelques vaisseaux à trois ponts avec un seul gaillard. Le plus grand nombre des navires de cette classe n’eut que deux ponts complets et deux gaillards. Les vaisseaux de troisième et de quatrième rang présentèrent deux ponts et un gaillard d’arrière, ceux du cinquième et du sixième un seul pont et un seul gaillard.

Les charpentiers de la Grande-Bretagne montraient dès cette époque une judicieuse tendance à réduire autant que possible l’antique échafaudage qu’une routine opiniâtre s’efforçait partout ailleurs de conserver. « Ils ménagent, disait Seignelay, jusqu’à un pouce de hauteur, de telle sorte qu’un vaisseau de 2,000 tonneaux construit en Angleterre n’a guère plus d’apparence qu’un vaisseau de 1,200 sorti des mains des charpentiers de France ou de Hollande. » Non contens de réduire à 6 pieds 1/2 la hauteur de leurs batteries, les constructeurs anglais furent les premiers à donner