Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Académie et le public de l’Académie à entendre l’éloge de l’empereur Napoléon III. Au fond c’est là toute la question, et comme M. Émile Ollivier, après une scène assez vive dans une commission, a mis une puérile hauteur à refuser de se rendre devant l’Académie tout entière, seule juge des atténuations qu’elle avait le droit de demander, la réception a été ajournée. L’Académie n’a fait assurément dans cette circonstance que ce qu’elle devait. Que M. Émile Ollivier eût tenu à rendre en passant un discret hommage au souverain qu’il a servi, qui l’a transformé en premier ministre, c’était son affaire. Qu’on cherche à mettre les coupables folies de l’empire sous la protection des malheurs qui en ont été l’expiation, on le peut encore ; mais en vérité on semble oublier qu’il y a une sorte d’outrage public dans cette évocation complaisante et calculée de l’empire et de l’empereur devant une assemblée où l’intelligence française a ses représentans, devant une nation qui saigne encore par toutes ses blessures, qui se sent mutilée par le fait de l’empire et de l’empereur. M. Émile Ollivier lui-même se croit-il donc innocent de tous ces désastres ? Et qu’on ne parle pas de persécution, de proscription, qu’on n’aille pas, par une comparaison au moins bizarre et disproportionnée, rappeler le nom de Chateaubriand à propos de M. Émile Ollivier ! Chateaubriand était atteint par un acte autocratique de Napoléon Ier pour avoir voulu faire entendre une parole de liberté devant l’Académie ; M. Émile Ollivier a été tout simplement invité à parler avec discrétion d’un souverain qui a laissé la France démembrée. Le nouvel académicien n’a pas voulu être reçu à ce prix, rien de mieux ; il a donné ou laissé donner à son discours le genre de publicité qui lui convenait, soit encore ; s’il ne sent pas sa situation, c’est son malheur. M. Émile Ollivier, dans la spirituelle réponse qui lui était destinée, et qui a été publiée aussi, lui a dit le vrai mot en s’arrêtant à son sujet au mois d’avril 1870. Après cela, M. Émile Ollivier est-il reçu ? n’est-il pas reçu ? Qu’il aille à l’Académie tant qu’il voudra et qu’on n’en parle plus !

Le voyage de l’empereur François-Joseph à Saint-Pétersbourg est donc un fait accompli. Les ressentimens sont éteints, les mauvais souvenirs sont effacés. Le souverain autrichien a été reçu avec éclat, fêté à la cour d’Alexandre II, entouré de marques de sympathie par la société russe, toujours prompte à suivre le mot d’ordre d’en haut. Il est allé au bal chez la grande-duchesse Marie, l’une des filles de l’empereur Nicolas, il a passé des revues et il a chassé : il a conquis tous les suffrages par ses exploits de chasseur, en tuant un ours d’une balle au front ! Pendant ce temps, le prince Gortchakof et le comte Andrassy ont sans doute mis au net la politique des deux empires. Quelles seront maintenant les conséquences de ce voyage, de l’entrevue de François-Joseph et du tsar, du rapprochement des deux puissances ? Évidemment c’est une réconciliation, ce n’est pas une coalition. On n’a pas partagé l’Orient,