Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient porté les doctrines. Ce furent ensuite des Turcs, connus des Arabes et des Persans sous le nom de Gizz ou Kirghiz, et qui vivaient à l’aventure dans les vastes déserts entre les frontières de la Chine et le littoral de la mer Caspienne. Parmi ces derniers, une tribu, celle des Seldjoucides, est devenue fameuse dans l’histoire. Son chef, Seldjouk, n’était pourtant qu’un nomade des steppes qui vers le Xe siècle, expulsé de son pays natal pour quelque crime, s’établit près du Zerefchan avec 100 cavaliers, 1,000 chameaux et 50,000 moutons. Converti à l’islamisme, il se fit le protecteur des habitans sédentaires qui l’entouraient contre ses ancien compatriotes. Sa réputation et sa puissance croissaient de jour en jour; aussi laissa-t-il à ses deux fils un royaume bien affermi dont la limite occidentale atteignait presque Bokhara. Les enfans de cet heureux chef de bande s’avancèrent eux-mêmes jusqu’ai Khorassan, enhardis dans leur marche par la faiblesse des émirs de Bokhara et par la négligence des sultans ghaznévides, qui ne songeaient alors qu’à la conquête de l’Inde. A la génération suivante, les Seldjoucides étaient maîtres de la Syrie, de l’Asie-Mineure ; ils s’attaquaient aux empereurs de Constantinople et ne songeaient plus à la Transoxiane, où de nouveaux immigrans avaient pris leur place.

Ces invasions successives des Tartares dans les provinces de l’Oxus se terminaient toutes de même façon, les nouveau-venus prenant les mœurs et la religion du pays conquis et considérant alors comme des barbares leurs anciens frères de la steppe. C’est ce que l’on vit notamment à Khiva, dont les maîtres, Ouigours de naissance, et par conséquent Turcs d’origine, avaient adopté toutes les coutumes de l’Iran. Ils regardaient donc avec un profond mépris les Mogols du désert de Gobi, parce que ceux-ci n’habitaient pas des villes, ne cultivaient pas la terre et erraient sans cesse à la recherche de frais pâturages pour leurs troupeaux. Par leurs croisemens réitérés avec les Aryens et les Sémites, les Tartares de Khiva et de Bokhara étaient en effet devenus tout à fait différens des Tartares du nord-est par les mœurs, par le langage, même par la physionomie. Ils avaient sans doute aussi perdu en partie leur valeur militaire. Or les Mogols eurent en ce temps, pour le malheur de leurs voisins, un chef fameux, Temurdji, surnommé Gengis-Khan ou en souverain victorieux, que la civilisation occidentale attirait. Non content de repousser les avances de ce grand chef, le khan de Khiva le provoqua en faisant exterminer, dans un moment de colère, une caravane de quatre cents marchands mogols qu’il feignit de prendre pour des espions. Cet acte de cruauté eut les plus terribles conséquences; il attira vers l’occident une nouvelle et plus horrible invasion, qui fit presque oublier les précédentes.