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qui va de l’Amou-Daria aux montagnes de la Perse; encore ce désert appartient-il plutôt aux Turcomans, qui ont ruiné la ville de Merv, et qui poussent leurs razzias jusque dans le Khorassan. Il y a d’ailleurs entre les Touraniens de la Transoxiane et les Persans, en outre des mauvais souvenirs de plusieurs siècles de lutte, un antagonisme religieux. Devenus musulmans sunnites, les habitans de Samarcande et de Bokhara ne peuvent vivre en bon accord avec les chiites de la Perse. Les côtes plates de la Caspienne, redoutées des navigateurs, les isolent vers l’ouest. L’Afghanistan, bouleversé par des dissensions intestines, les soustrait à l’influence de l’Inde anglaise. C’est donc au nord, vers l’empire russe, qu’ils vont chercher le bienfait de la civilisation. Ainsi s’explique par l’histoire et par la géographie la prépondérance que les Russes acquièrent de jour en jour dans cette contrée lointaine avec laquelle ils ne communiquent cependant que par les provinces les moins connues de leurs immenses possessions.

Récapitulons, d’après M. Vambéry[1], les principaux événemens dont la Transoxiane fut le théâtre. C’est une étude nécessaire à quiconque veut juger sainement l’état présent de cette contrée. On a vu que les premières incursions des Touraniens du nord-est sont probablement antérieures à l’ère chrétienne. Quelques siècles plus tard, Bokhara se trouva menacée par des conquérans d’une race toute différente. Dès l’année 46 de l’hégire (666 après Jésus-Christ), les Arabes, mis en mouvement par les doctrines de Mahomet, s’emparaient du Khorassan, faisaient de Merv une capitale, et de là s’en allaient ravager à tour de rôle les grandes villes du bassin de l’Oxus. Le pays cependant était rebelle aux prédications musulmanes. Bokhara, qui devint un peu plus tard l’un des foyers de l’islam, se révoltait dès que l’armée conquérante avait disparu. A la quatrième révolte, les vainqueurs se partagèrent les maisons de la cité conquise; ils y installèrent leur culte bon gré mal gré, puis, des débris des palais qu’ils avaient détruits, ils édifièrent une foule de mosquées, sur les murailles desquelles subsistaient en conséquence des sculptures et des ornemens idolâtres dont les vrais croyans s’indignaient.

Toutefois, bien qu’ils eussent converti de force les riverains du Zerefchan et même ceux du Yaxartes, bien qu’ils eussent été poussés par leur esprit ardent de prosélytisme jusqu’au-delà des monts Thian-Shan, dans la contrée qui s’appelle maintenant le Turkestan oriental, les Arabes ne séjournèrent pas en grand nombre dans les

  1. Voyez History of Bokhara from the earliest period down to the present, by Arminius Vambéry. Cet ouvrage, composé d’après des manuscrits orientaux peu connus ou récemment découverts, présente sous un jour nouveau le récit des grandes invasions tartares dans la Transoxlaae.