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sessions britanniques, le gouvernement de Calcutta n’était même pas représenté à la cour de Caboul. Ce gouvernement eut longtemps un ambassadeur auprès du shah de Perse, et maintenant que cet ambassadeur est nommé par la métropole, il reste au moins un résident anglo-indien sur la côte du Golfe-Persique ; il y a un autre résident à Aden pour servir d’intermédiaire avec les sultans de Zanzibar et de l’Arabie; il y en a d’autres encore dans le Beloutchistan, dans la Birmanie. A Caboul, les intérêts britanniques sont confiés à un natif de l’Inde, sans initiative et sans autorité, qui rend compte de ce qu’il apprend, de ce qu’il voit, et ne peut en aucun cas entamer une négociation.

Or cet indigène avait reçu d’Azim-Khan, au moment de sa splendeur, tour à tour des promesses et des menaces. Azim voulait obtenir de sir John Lawrence une déclaration favorable à ses prétentions. Le vice-roi ne refusa pas d’entrer en rapports avec le parti le plus fort; il déclara seulement que, Shire-Ali étant l’héritier légitime et régnant encore sur une partie étendue du territoire, le souverain de facto ne serait pas inquiété par la Grande-Bretagne, tant qu’il respecterait les traités signés jadis par Dost-Mohamed. Mécontent de cette réponse, Azim fit entendre qu’il allait se mettre sous la protection des Russes, à quoi sir John répondit que l’Angleterre était en paix avec la Russie, et que cette dernière puissance ne ferait certainement rien de nuisible aux intérêts de ses alliés européens. En même temps Shire-Ali sollicitait en vain des secours en armes, en munitions, en argent; bien plus la légation britannique de Téhéran lui faisait refuser les subsides que le shah était peut-être d’humeur à lui accorder. Toutefois, dès que Shire-Ali eut décidément pris le dessus, le vice-roi se dit que le moment était venu de sortir de cette indifférence; par son ordre, des fusils et des canons furent expédiés au monarque de l’Afghanistan, ainsi que des sommes importantes qui permirent à l’émir victorieux de payer la solde de ses troupes. De plus, Azim et Abdoulrahman ayant demandé la permission de se réfugier sur le territoire britannique, il leur fut répondu que ce serait à la condition de ne plus intriguer avec leurs amis de Caboul et de ne pas en partir avant d’en avoir obtenu la permission. Ces deux fugitifs se dirigèrent alors vers la Perse, qui ne leur fut pas plus hospitalière; l’un d’eux mourut sur ces entrefaites, l’autre se vit obligé de chercher asile chez les Turcomans du nord-ouest. Le bon accord entre le vice-roi et Shire-Ali-Khan fut au surplus attesté bientôt après par un acte solennel. L’émir avait manifesté souvent le désir d’avoir une entrevue personnelle avec le représentant de la reine d’Angleterre. Lord Mayo, qui venait de succéder à sir John Lawrence, se plaisait à ces visites