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nous aucune valeur, si une dot ne vient à leur appui. » C’est l’éternel refrain de toutes les chansons, le nœud de toutes les comédies, la trame de tous les romans ; mais tous les lieux-communs du monde n’y feront rien, nous souffrons du mal social qui envahit les vieux peuples agglomérés dans des villes trop étroites et dévorés par des besoins matériels qui vont augmentant de jour en jour : c’est la maladie du célibat. Quel remède à cela? Un seul, la colonisation de vastes espaces; or le Français, le Parisien surtout, est réfractaire à l’émigration. On aurait beau proclamer parmi nous la loi Papia Poppea, qui frappait à Rome un impôt, — œs uxorium, — sur les célibataires, on n’obtiendrait peut-être pas un mariage de plus. Nos mœurs inclinent de plus en plus vers une sorte de solitude relative, vers la répudiation de ce qu’on peut appeler les devoirs naturels; la morale, l’économie politique, la religion, font de vains efforts : à chaque recensement quinquennal, on constate que le nombre des mariages tend à diminuer. On pourrait dire aujourd’hui aux Parisiens ce que, du temps des Gracques, le censeur Metellus disait aux Romains : «Citoyens, si nous pouvions vivre sans femmes, nous nous passerions tous de cet embarras (ea molestia careremus); mais, puisque la nature a voulu qu’il fût aussi impossible de s’en passer qu’il est désagréable de vivre avec elles, sachons sacrifier les agrémens d’une vie si courte aux intérêts de la république, qui doit durer toujours[1]. »

La loi française, quoiqu’on l’ait souvent sollicitée, n’est jamais intervenue dans cette question, qui touche aux prérogatives les plus sacrées de la liberté individuelle, elle n’atteint le célibataire ni d’une peine, ni d’une réprimande; elle se contente d’apporter quelques restrictions aux alliances contractées dans certains cas de parenté prévus par le code civil, et pour lesquels il faut obtenir du chef de l’état des dispenses qui jamais ne sont refusées. En ligne directe, le mariage est prohibé entre ascendans et descendans légitimes ou naturels; en ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la sœur et les alliés au même degré, entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu; cependant l’article 164 autorise le souverain à lever les prohibitions dont les mariages entre beaux-frères et belles-sœurs, oncles et nièces, neveux et tantes sont frappés. En résumé, l’union n’est réellement interdite d’une façon formelle qu’entre parens du second degré, frères et sœurs; au troisième, il est toléré, sinon admis, mais nul officier de l’état civil ne peut procéder à un mariage dans de telles conditions, si les époux ne lui présentent pas des dispenses qui, comme tout acte souverain, sont écrites sur par-

  1. Voyez, dans la Revue du 1er janvier 1864, Cœlius et la Jeunesse romaine au temps de César, par M, Gaston Boissier.