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foule de complications qui se présentent aujourd’hui. Pour beaucoup de parens pauvres, la présence de l’enfant à la maison est un grave embarras : on a déjà fait prix avec une nourrice qui, si elle est venue chercher son nourrisson, est une cause de gêne dans un domicile trop étroit; mais il faut bien qu’elle y reste jusqu’à ce que le médecin ait fait la constatation légale, un jour au moins, trois au plus. Si au contraire on doit envoyer l’enfant à la nourrice, la mère fort dolente, qui ne veut ou ne peut nourrir, reste seule en tête-à-tête avec un nourrisson qui souffre et crie; le père est au travail, il n’y a pas de domestique, il faut nécessairement attendre le médecin, et tout le monde en pâtit. En outre souvent, lorsque le certificat est remis au père, qui peut être un illettré et n’avoir jamais entendu parler des articles 55 et 56 du code civil et 346 du code pénal, le pauvre homme s’imagine que tout est bien, que cette paperasse est l’acte de naissance même de son enfant, et qu’il n’y a plus aucune formalité à remplir. Les trois jours s’écoulent; on est passible d’une amende, d’un emprisonnement même, et il faut aller devant le tribunal faire régulariser une situation que l’on croyait régulière. La constatation à domicile, qui a été surtout imaginée en faveur des gens pauvres, leur est préjudiciable, et ce serait peut-être leur rendre service que de rétablir la présentation directe, telle qu’elle était pratiquée avant 1869.

Les registres sont tenus en double, l’employé principal dicte l’acte en même temps qu’il l’écrit, et un employé subalterne transcrit les paroles qu’il entend; l’un de ces registres reste à la mairie jusqu’à ce qu’il soit transmis aux archives de l’Hôtel de Ville, l’autre est destiné au greffe du tribunal de première instance. On fait la plus scrupuleuse attention pour donner aux noms une orthographe régulière, car une lettre de plus ou de moins peut amener des complications nombreuses et faire naître des doutes sur l’identité d’un individu. Autrefois il n’en était pas ainsi, on se préoccupait fort peu d’exactitude en si importante matière, et les noms patronymiques étaient des vocables qui variaient suivant la fantaisie des scribes; Sevigny ou Sévigné, c’est tout un pour les écrivains du XVIIe siècle, et dans Piquelin on doit savoir reconnaître ce cadet de Gascogne, Puyguilhem, qui devint duc de Lauzun et faillit épouser Mademoiselle. Il ne faut rien moins aujourd’hui qu’un jugement solennel pour rectifier un nom dont l’orthographe n’est pas irréprochable; chaque jour, les tribunaux ont à se prononcer sur des réclamations de cette nature. Dans certains cas, les irrégularités sont presque inévitables : trois enfans nés du même père s’appellent de La Palme; les actes d’état civil donnent trois noms différens : de Lapalme, de la Palme, Delapalme. La justice seule peut déterminer l’orthographe qui doit être irrévocablement adoptée. La rectification est alors