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de Hollande, qui enregistrèrent l’état civil des protestans entre la révocation de l’édit de Nantes et la réunion des états-généraux, tous les registres municipaux des mairies depuis le 1er janvier 1793 jusqu’au 1er janvier 1860, des liasses énormes de documens de toute espèce et de toute provenance, étaient méthodiquement accumulés, rangés, et formaient un trésor historique d’une incalculable richesse. Il existerait encore à l’heure où nous sommes, ce livre d’or de notre population, si Paris n’avait été saisi de cet accès de folie furieuse que l’on a nommé la commune. Les légères feuilles de papier où chacun pouvait trouver la preuve de sa propre légitimité, dévorées par les flammes et emportées au vent, n’ont plus été qu’un peu de cendres noires. L’Hôtel de Ville, la maison du peuple même, n’a pas été épargné plus que le Palais de Justice; tout est brûlé.

En présence d’un tel sinistre, où la sottise le dispute à la férocité, on se demande sur quelles pièces il sera possible d’établir dorénavant la réalité des relations des familles. Nul ne peut plus faire preuve d’ascendance, ni de filiation, ni de mariage. La justice civile se trouble; nulle certitude en ces délicates matières, à peine reste-t-il quelques présomptions; c’est le chaos. On essaie d’en sortir, et l’on en sortira. Ce ne sera pas facile, car les deux dépôts contenaient en moyenne 10 millions d’actes, et il faut en reconstituer au moins 3 ou 4 millions pour faire face aux exigences prévues. Des lois votées par l’assemblée nationale le 10 et le 19 juillet, le 23 août 1871, le 12 février 1872, ont prescrit dans quelle forme et dans quel délai cette œuvre essentielle, importante entre toutes, devait être accomplie. On n’a pas compté avec l’insouciance parisienne, le terme fixé primitivement par la loi est dépassé, on travaille toujours sans relâche, et l’on n’est pas près d’avoir fini.

La préfecture de la Seine, à laquelle incombait la besogne principale, a établi deux services chargés de réunir tous les documens authentiques à l’aide desquels il est possible de rétablir sérieusement les actes détruits : l’un fonctionne à la Bourse dans les salles de l’ancien tribunal de commerce; l’autre grelotte à l’archevêché dans une antichambre coupée en deux et dans une moitié de remise. Le service de la Bourse est très vaste, il occupe un nombre considérable d’employés, et il a centralisé entre ses mains tous les actes que l’élément civil a pu lui fournir. Les ministères, les grandes administrations, les facultés, les greffes de justice de paix, les greffes des tribunaux dépositaires d’actes annexés à des preuves matrimoniales, ont envoyé les pièces qu’on leur demandait; la chambre des notaires s’est signalée par un zèle exceptionnel et a remis la meilleure part des actes que l’on utilise aujourd’hui. Quant au public lui-même, il est resté indifférent toutes les fois que son intérêt direct n’a pas été compromis : il est venu réclamer avec instance