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qu’avant d’être l’un à l’autre ils appartiennent à la patrie, et que le vœu matrimonial soit scellé du cri : vivre libre ou mourir! » On ne pouvait de bonne foi constater un décès par de telles acclamations; mais Gohier tourne facilement la difficulté, et il exige « que le grand homme soit placé au Panthéon, tandis que le traître sera traîné dans la fange et livré à l’exécration publique. » Quoique l’assemblée, électrisée par cette niaise rhétorique, ait voté l’impression du discours, elle adopte des moyens plus simples et surtout plus pratiques pour la constatation des naissances, des mariages et des décès.

Deux fois la discussion de la loi fut interrompue dans des circonstances que l’histoire n’a pas oubliées. Le 28 juin, sur la proposition de Vergniaud, on reprit la question des mariages, et Lagrevol parlait lorsque le général Lafayette, se présentant devant l’assemblée pour lui demander compte de la journée du 20 juin, s’attira la dure apostrophe de Guadet : « nous n’avons donc plus d’ennemis extérieurs? » Le 3 septembre, pendant que les massacreurs, régulièrement payés comme des ouvriers à la tâche, faisaient leur horrible besogne dans les prisons de Paris et que les députés affolés ne savaient à quel parti se résoudre, on réglait le mode de constatation des décès. Après tant d’ajournemens et de fortunes diverses, la loi fut enfin adoptée le 20 septembre 1792. Les municipalités restent seules chargées de la rédaction des actes authentiques assurant la légitimité de la filiation, du mariage, et la date précise du décès; tous les registres doivent être tenus en double, afin qu’une copie soit déposée dans les greffes; les registres des paroisses seront portés aux archives des maisons communes à partir du 1er janvier 1793; des répertoires alphabétiques seront dressés tous les ans, et tous les dix ans on relèvera les tables décennales.

Tel fut l’état civil établi par les législateurs de la révolution, tel il est encore. Toutes les prescriptions édictées étaient fort sages, et nulle ne fut éludée. En ce qui concerne Paris, deux vastes dépôts existaient où régulièrement et conformément à la loi on réunissait les précieux registres sur lesquels se trouvaient inscrits les actes nominatifs prouvant l’authenticité individuelle de chaque membre de la grande association parisienne : l’un aux archives de la préfecture de la Seine, placé dans une maison faisant face à l’Hôtel de Ville, l’autre au Palais de Justice, dans le greffe du tribunal de première instance. Toute mauvaise chance de destruction semblait évitée; si l’un de ces dépôts venait à être anéanti, l’autre fournirait immédiatement, au moyen des doubles, les documens nécessaires à une reconstitution. Les hommes de 1792 n’avaient point deviné les hommes de 1871. Tous les registres des paroisses, des consistoires protestans et Israélites, les archives des ambassades de Suède, de Danemark,