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d’Hathor. Tout ce qui existe, tout ce qui se produit dans le monde, résulte de deux causes opposées : le principe du bien, Osiris, et le principe du mal, Typhon. Au premier appartient tout ce qui est bon, utile, bien ordonné, sagement réglé dans l’univers; il est le soleil, par qui tout croît et se nourrit, — il est l’eau, élément générateur de toutes choses, — il préside à l’éternelle production, il est la vie; Typhon au contraire représente le désordre., la violence, la révolte contre le bien, la sécheresse, les ténèbres et la mort. Osiris est donc excellemment le bien. Si la déesse Isis, dans sa fonction de déesse- mère, usurpe ce rôle, Osiris n’en demeure pas moins le principe souverain, la personnification du bien. Osiris trouve ainsi sa place naturelle à côté de la personnification du beau, qui est Hathor, d’autant mieux que, sous son nom d’Isis, la déesse qui règne à Dendérah est l’inséparable compagne d’Osiris; mais la présence du temple d’Osiris sur les terrasses supérieures s’explique mieux encore par l’épisode de sa vie qu’on a choisi pour en décorer les murs. La légende nous montre ce dieu vaincu et mis en pièces par Typhon; or, comme le bien finit toujours par triompher du mal, Osiris ressuscite. Hathor, nous l’avons vu, est l’harmonie générale du monde, harmonie sans laquelle le mal l’emporterait et le bien serait vaincu. La résurrection d’Osiris, principe du bien, victime des embûches de Typhon, et renaissant à la lumière, est la parfaite image de la nature toujours féconde, bienfaisante et sans cesse renouvelée. Osiris qui ressuscite, c’est la victoire du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres, de la vérité sur le mensonge, de la vie sur la mort.

Des fêtes lugubres, commémoratives de la mort du dieu, se célébraient à Dendérah du 12 au 30 choïak de chaque année; c’était le 30 de ce mois que le dieu ressuscitait. Nous savons d’autre part qu’Apis est l’image d’Osiris, c’est Osiris qui se dévoue, qui s’incarne et consent à vivre au milieu des hommes; arrivé à l’âge où périt Osiris, Apis est mis à mort, et comme nous savons par les textes que le culte d’Apis existait à l’époque de la IIe dynastie, il est certain que le culte d’Osiris, ne faisant qu’un seul corps de doctrines avec celui d’Apis, remontait à la même antiquité. Si la Grèce eut ses fêtes orgiaques en l’honneur de Dionysos, comme Dendérah avait la fête des pampres, si Dionysos lutte contre les géans, comme Osiris contre les génies du mal, si Dionysos, toujours jeune et beau, rappelle la jeunesse et la beauté sans cesse renaissante d’Osiris, si enfin le dieu des Grecs, mort de mort violente, descend aux enfers et ressuscite comme Osiris, il faut bien reconnaître que celui-ci a été honoré quelques mille ans auparavant dans la vallée du Nil; ce que nous. avons dit du Dionysos des Grecs, on peut l’appliquer aussi à d’Atys phrygien et à l’Adonis de Byblos. De plus, dans les jardins du temple de Dendérah, on confiait à la terre le grain, représentation