Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tain nombre de négocians habiles à calculer les avantages et les inconvéniens de toute innovation. La couronne n’est plus servie que par des fonctionnaires pour lesquels l’équilibre du budget n’est qu’une considération secondaire.

Toutefois, après avoir pris une allure inquiétante sous le règne de sir John Lawrence, les finances de l’Inde sont rentrées dans une voie normale depuis quelques années. L’impôt sur le revenu, auquel il avait fallu recourir aux époques de détresse, a disparu. Le déficit est remplacé par un excédant de recettes. Le budget de 1871-1872, que nous avons sous les yeux, présente 50 millions de livres sterling à l’actif et 47 millions au passif. L’impôt foncier donne 20 millions, l’opium 9 millions, le monopole du sel 6 millions, les douanes, le timbre et l’accise 7 millions; restent 8 millions de recettes diverses qui se divisent entre une foule de chapitres. Quant aux dépenses, les intérêts de la dette prennent environ 5 millions, l’armée 12 millions, les travaux publics 2 millions 1/2. On remarque avec étonnement que la perception coûte 2 millions 1/2 pour l’impôt foncier, et 1,600,000 livres sterling pour l’opium, ce qui dépasse de beaucoup la moyenne des frais de perception auxquels nous sommes habitués en Europe. Sous ce rapport encore, les Anglo-Indiens se montrent médiocres financiers; néanmoins un budget d’une telle puissance possède, surtout s’il est maintenu en équilibre, une élasticité dont les Anglais sauraient user largement, si des événemens graves surgissaient au-delà de leurs frontières.

La dette actuelle a été contractée en grande partie pour subvenir aux dépenses d’établissement des chemins de fer. Lord Dalhousie, président du Board of trade au moment de la fièvre des chemins de fer, avait été témoin des inconvéniens que produit la libre compétition des agioteurs. Par une réaction peut-être excessive, il ne voulut concéder les lignes de l’Inde qu’à des compagnies financières soumises à une très étroite surveillance de l’état, à peu près comme cela se passe en France. Toutes les entreprises de ce genre reçurent une garantie d’intérêts, et toutes en profitent encore, sauf deux ou trois des plus productives. Si onéreuse que cette combinaison ait été pour le trésor public, elle a produit du moins de bons résultats. La péninsule est sillonnée de chemins de fer; il y en avait 8,600 kilomètres exploités en 1872. Les grandes lignes de Calcutta à Lahore, de Bombay à Allahabad, de Madras à Bombay et à Calicut sur la côte de Malabar, ont une importance militaire et commerciale qui se conçoit aisément. Il fallait jadis plusieurs mois pour se rendre de l’un à l’autre des chefs-lieux de présidence; on fait aujourd’hui le voyage en quelques jours. Des embranchemens desservent les villes de Moultar, Baroda, Nagpore, Lucknow. D’autres lignes en construc-