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II.

Les élections du 10 janvier, complétées par les scrutins de ballottage et par les élections d’ Alsace-Lorraine, ont constitué à peu près comme il suit les divers partis : 20 conservateurs, 30 membres du parti de l’empire, 14 du parti libéral de l’empire, 148 nationaux-libéraux, 47 progressistes, 93 ultramontains, 4 particularistes hanovriens, 2 démocrates, 9 socialistes, 1 Danois, 12 Polonais, 15 Alsaciens-Lorrains, et 2 députés qui ne sont pas encore classés. Au premier moment, l’opinion ne fut frappée que de la révélation qui lui était faite des progrès des idées socialistes et ultramontaines : les socialistes ont en effet gagné sept sièges, et les ultramontains une quarantaine. Les récriminations éclatèrent dans la presse officieuse et dans la presse libérale. On s’en prit au suffrage universel comme à l’auteur de tout le mal : les uns déclarèrent que le résultat était faussé par le grand nombre des abstentions; ceux qui s’étaient abstenus ne pouvant être que des partisans du gouvernement, il fallait décréter le vote obligatoire; les autres demandèrent qu’on rejetât au plus vite ce dangereux instrument et qu’on revînt au système électoral des classes. Peu à peu cependant les alarmes de la première heure se sont calmées. On a refait ses calculs; en mettant ensemble les conservateurs, le parti de l’empire, le parti libéral de l’empire, les progressistes, les nationaux-libéraux, on est arrivé au total de 259 voix dévouées à l’empire : c’est 60 voix de plus que la majorité absolue. Nous aurons, a-t-on dit, des luttes à soutenir, beaucoup de tapage et de clameurs, mais il en faudra toujours venir au scrutin; là nous sommes assurés de la victoire.

On n’en saurait douter : si l’empire était mis en question, les partis qui viennent d’être nommés réuniraient leurs votes pour le défendre. Quatre ou cinq peut-être parmi les conservateurs, ceux qui représentent le plus fidèlement le vieil esprit prussien, feront à M. de Bismarck une opposition systématique, et dans les questions religieuses voteront avec les ultramontains : le reste, qui a pris le nom de « nouveaux conservateurs, » lui donnera ses suffrages, sans enthousiasme assurément; mais qu’importe? Les voix résignées comptent autant que les autres. Quant aux membres du « parti de l’empire, » à ceux du « parti libéral de l’empire, » nous avons dit ici même[1] que des nuances seulement les séparaient du parti national-libéral. Ces nuances sont malaisées à saisir pour des étrangers, car elles naissent souvent non de différences entre les opinions politiques, mais de certaines convenances personnelles. Si les membres du parti libéral de l’empire ont formé une fraction distincte, c’est

  1. Voyez, dans la Revue du 1er novembre, une Visite au parlement d’Allemagne.