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La question n’est nullement à nos yeux dans les intentions du gouvernement, qui voit le péril, cela n’est point douteux, et qui doit sentir la nécessité de s’en affranchir ; elle est dans cette partie de la droite qui, sans se confondre avec le gouvernement, affecte vis-à-vis de lui des airs de prépotence ou de menace, qui, sans être la majorité de la chambre, ni même de la droite, suffit pour jeter l’assemblée dans le « désarroi » dont on parle en la frappant d’impuissance. Que veut donc la droite et quel est son rôle aujourd’hui ? Elle veut la restauration de la royauté traditionnelle, elle n’a pas besoin de le dire ; elle a eu, il y a quelques mois à peine, une occasion probablement unique de réaliser son rêve. Qui donc a été le principal obstacle ? C’est le représentant même de la royauté, qui a signé sa propre abdication dans cette lettre du mois d’octobre devant laquelle se sont évanouies toutes les combinaisons qu’on avait imaginées, et, après la lettre, M. le comte de Chambord est venu trouver son Culloden obscur dans ce séjour à Versailles, qui a dû lui laisser bien peu d’illusions. Ce que les légitimistes n’ont pu faire dans les conditions les plus favorables, lorsque tout semblait servir leurs desseins, lorsque les diverses fractions conservatrices de l’assemblée se prêtaient plus ou moins à une restauration monarchique, espèrent-ils pouvoir le tenter aujourd’hui ? ils ont eu leur prince sous la main, à Versailles, pendant les débats de la prorogation ; ils n’ont rien fait, et ils ont eu grandement raison : comptent-ils retrouver si vite les chances qu’ils ont perdues ? S’ils se croient en mesure d’accomplir cette restauration, que ne la proposent-ils tout de suite pour en finir ? Non, c’est impossible, ils ne l’ignorent pas, ils savent bien qu’ils ne retrouveraient plus une majorité pour les suivre dans une campagne nouvelle, qu’ils s’exposeraient au plus humiliant mécompte ; mais, s’ils ne peuvent rien faire, ils réussissent du moins à tout empêcher, et c’est là jusqu’ici le plus clair de leur politique.

La monarchie n’est pas possible, semblent-ils dire, soit ; — tout le reste ne sera pas moins impossible. La république, bien entendu, il n’en faut pas parler ; elle existe sans doute par le fait, et il serait même assez difficile de supprimer le nom, car enfin il faut bien avoir un nom ; mais c’est tout ce qu’on peut faire de ne pas effacer cette étiquette importune. Le septennat, on ne l’admet qu’assez dédaigneusement, pourvu qu’il ne se prenne pas au sérieux, à la condition qu’il consente à être l’instrument de la restauration monarchique. Hors de là, on semble lui refuser les moyens de vivre. S’il y a une commission des lois constitutionnelles, on s’ingénie à tout ajourner, à tout éluder, si bien qu’un de ces jours, à côté de la prorogation septennale, qui n’est elle-même ni définie ni organisée, il faudra décréter faute d’une loi électorale qui n’est pas faite, la prorogation des conseils municipaux, dont l’existence légale expire au mois d’avril, la prorogation des conseils-généraux. Vai-