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Les états du nord-est, où la culture des raisins de table est disséminée sur beaucoup de points, ne présentent pas en proportion autant de vignobles d’étendue moyenne ou considérable. Le concord y domine, élevé surtout en treille comme ornement des tonnelles rustiques ou des murs des habitations ; c’est dans l’état de New-York que se cultivent des catawba, dont les fabricans de vin de Cincinnati et de Saint-Louis viennent prendre sur place le produit à l’état de première fermentation pour le convertir en champagne dans leurs celliers spéciaux. Dans le sud-est, le scuppernong tient la première place, et grâce au peu de main-d’œuvre qu’il exige, à sa vigueur à toute épreuve, à son incroyable fertilité, c’est le plant qui semble, dans ces régions du tabac et du coton, avoir le plus d’avenir. La Caroline du nord, la Caroline du sud, la Georgie, sont les états où la vigne se propage le mieux. Dans l’Alabama et la Louisiane, régions de la canne à sucre, la vigne compte à peine comme culture, bien que la Nouvelle-Orléans, avec ses traditions et ses goûts français, soit un centre de consommation pour les vins de France ; le Texas, plus riche en vignes indigènes, fait des vins particuliers avec son mustang. Enfin la Californie, vraie terre promise pour tous les fruits d’Europe, possède en vignes, presque toutes européennes, d’immenses étendues qui s’accroissent tous les ans, le nombre de ceps en 1861 n’étant pas moindre de 10 592 688, dont 2 570 000 dans le seul comté de Los Angelos et 1 701 660 dans celui de Sonoma. C’est l’état où les vignobles sont le plus vastes ; on en citait un en 1865 qui comptait plus d’un million de ceps.

Il faut bien le dire pourtant, à part cette région californienne, où les traditions sont plus espagnoles et les habitudes plus européennes que yankees, le reste des états de l’Union ne montre encore la vigne qu’à l’état de dissémination et comme perdue au milieu des bois, des prairies ou des cultures de maïs, de nos céréales, de coton et de tabac. Autant les vignes sauvages sont abondantes et décorent avec grâce les arbres et les buissons des régions agrestes, autant les vignobles font peu d’effet dans l’ensemble du paysage civilisé. Emporté par la vapeur à travers les forêts, les marécages, les prés et les champs, le voyageur ne saisit que de loin en loin les massifs verdoyans des pampres alignés en longues files et serrés en rangs symétriques sur les poteaux qui leur servent de support. En France, dans les régions où la vigne est souveraine, elle couvre d’immenses espaces d’un flot continu de verdure : elle est le fond même du paysage, d’où tout le reste se détache ; en Amérique, sauf quelques points où les vignobles s’étagent sur les collines ou s’étalent en larges plaques dans les plaines, la vigne n’est qu’un accessoire dans l’ensemble du pays. Dans la Caroline du nord par exemple, pays agreste où la forêt domine encore, englobant les espaces dé-