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aire relativement très étendue. Les mêmes sols se retrouvent des deux côtés de l’Atlantique ; l’acclimatation n’est qu’un mot faux, s’il veut dire qu’une plante quelconque se modifie graduellement, autrement que par sélection possible dans sa descendance, se modifie, dis-je, pour s’adapter à un nouveau climat. Or, ces explications mises de côté, que reste-t-il pour comprendre la mort fatale de nos vignes aux États-Unis ? Une seule chose, très petite en apparence, bien puissante en réalité, bien cachée et par suite longtemps ignorée, bien manifeste quand on a su la voir une fois et qu’on a pu suivre par une étude assidue les effets sur les racines d’abord, puis sur toutes les parties vitales de l’arbuste ; ce petit rien, qui s’appelle légion, n’est autre que le phylloxéra. Avec cette cause si simple, reconnue en premier lieu par Riley et que mes récentes études sur place me font admettre comme évidente, tous les faits s’expliquent et s’enchaînent. La Californie est pleine de vignes d’Europe, elle n’a pas le phylloxéra ; les terres à l’est des Monts-Rocheux ne peuvent nourrir longtemps notre vigne, c’est que sur ce vaste espace le phylloxéra règne en tyran, n’épargnant qu’à des degrés divers les seules vignes indigènes. Ceci nous amène à l’étude des cépages particuliers à l’Amérique ; mais, comme introduction naturelle à ce sujet, il faut tout d’abord esquisser les caractères des espèces d’où dérivent ces variétés[1].

Si grandes qu’en soient les diversités apparentes, tous les cépages de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, cultivés pour leurs raisins, sont rattachés par les botanistes à la même espèce, le vitis vinifera de Linné. À l’état sauvage ou de lambrusque, cette espèce grimpe partout dans les taillis, sans qu’on puisse dire toujours avec certitude si les variétés locales de vigne dérivent de ces lambrusques du pays, ou si les lambrusques elles-mêmes, au lieu d’être toutes strictement sauvages, ne seraient pas en partie des sauvageons nés du semis accidentel des cépages cultivés, En tout cas, les variétés nouvelles de vignes obtenues de nos jours par le semis rentrent comme de simples nuances dans les types déjà connus, et ces types mêmes remontent pour la plupart à des périodes si anciennes que la trace de leur première apparition est effacée. Il en est tout autrement des vignes du Nouveau-Monde. On en distingue plusieurs espèces sauvages dont quelques-unes parfaitement tranchées : quant aux variétés cultivées, il est généralement assez facile de les rattacher au type sauvage ; il est même possible pour quelques-unes de marquer la date et le lieu de leur origine.

  1. On peut consulter à cet égard : Élias Durand, les Vignes et les vins des États-Unis, Bulletin de la Société d’acclimatation, Paris, avril, mai et juin 1862, et G. Engelmann dans Ch. Riley, 4th Annual Report in Agricult. Report of Missouri state board of agricult. ann. 1872.