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5 millions d’hectolitres, presque entièrement consommés dans le midi, — l’autre, de 5 à 6 millions d’hectolitres, dont la population bretonne fait la base de son alimentation. L’avoine elle-même sert à faire le pain dans les hautes montagnes des Vosges et du Jura. Les légumes secs, les châtaignes, surtout les pommes de terre, complètent enfin notre approvisionnement.

Tel est l’ensemble de nos ressources. Nous avons bien peu de données précises pour juger de quelle manière elles se répartissaient, soit en 1820, soit en 1870 ; nous sommes réduits à de simples conjectures sur le nombre des consommateurs exclusifs de pain de blé à ces deux dates, et la ration moyenne de chacun de ces consommateurs ne saurait elle-même être établie avec une rigoureuse exactitude. Les calculs auxquels nous allons nous livrer pour apprécier les changemens opérés dans notre régime alimentaire ne sont donc que de simples approximations destinées à rendre compte de la marche générale de la consommation.

En 1820, la population, qui avait à se partager hô millions d’hectolitres de blé, était de 30 millions 1/2 d’habitans. Cela faisait par tête une part de 128 litres ou 96 kilogrammes de blé par an et une ration de 263 grammes de pain par jour. En 1870, la population n’était pas sensiblement au-dessus de 38 millions. Si l’on admet avec nous que la consommation fût alors portée à 95 millions d’hectolitres, on aura par tête une provision totale de 252 litres ou de 189 kilogrammes de blé, représentant une ration journalière de 517 grammes de pain. La consommation du blé par habitant a donc presque doublé dans l’espace d’un demi-siècle ; mais tous les consommateurs n’ont pas une part égale dans la masse de nos provisions. En 1820, les populations urbaines étaient presque les seules à consommer du pain de blé. Si l’on estime à 12 ou 13 millions le nombre de ces consommateurs et à 500 grammes de pain leur ration moyenne, on obtient 30 millions d’hectolitres à prélever sur la production du blé pour la seule consommation des citadins. La population agricole (18 millions) n’avait plus à se partager que 15 millions d’hectolitres, représentant une ration de 175 grammes par tête. Or c’est précisément la partie de la population qui absorbe le plus de pain, soit parce qu’elle dépense plus de forces, soit parce qu’elle a moins de viande à consommer. Pour assurer à nos 18 millions de cultivateurs et de paysans 3 hectolitres de blé par tête, soit une ration de 600 grammes de pain, il n’aurait pas fallu moins que l’énorme supplément de 40 millions d’hectolitres. C’est aux denrées de qualité secondaire ou inférieure qu’il fallait demander la valeur alimentaire de ce supplément. Le méteil, le seigle, l’orge, le maïs et le sarrasin disponibles entraient dans la consommation pour l’équivalent de 25 millions d’hectolitres de blé environ : le surplus