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l’empire de véritables prix de famine, les efforts réunis du gouvernement et du commerce n’avaient pu qu’à grande peine et à grands frais fournir à notre consommation un appoint extérieur de 5 à 6 millions d’hectolitres. En temps normal, importations et exportations se réduisaient à peu de chose et se balançaient sensiblement. Il fallait une série de récoltes médiocres ou mauvaises pour que l’entrée devînt prépondérante et acquît une importance réelle ; le courant général du commerce était dans le sens de la sortie. Ce n’est guère qu’en 1830 que le commerce extérieur du blé en France commence à se développer. Depuis il a grandi lentement jusqu’à la suppression de l’échelle mobile, a pris alors un essor rapide, et finalement il était arrivé, dans les années qui ont précédé la guerre, à un mouvement annuel de 15 millions d’hectolitres, se réduisant à 10 millions dans les années d’abondance, s’élevant jusqu’à 20 millions dans les années de déficit. En même temps que le mouvement commercial du blé s’accroissait ainsi, l’importation tendait de plus en plus à prendre le dessus. Le mouvement annuel de 15 millions d’hectolitres se partageait approximativement en 10 millions à l’importation et 5 millions à l’exportation. Dans les années de déficit, l’importation s’élevait à 15 ou 16 millions d’hectolitres, et l’exportation se maintenait à 5 ou 6 millions. Dans les années d’abondance, l’importation se restreignait à 2 ou 3 millions pendant que l’exportation montait à 8 ou 10 millions d’hectolitres. Sous la restauration, les provinces méridionales de la Russie étaient presque seules appelées à fournir le complément nécessaire à notre alimentation dans les années de déficit. Le port d’Odessa, dans la Mer-Noire, était alors le grand marché des céréales à l’usage des peuples de l’Occident ; mais d’autres contrées se sont ouvertes à mesure que les besoins ont grandi et que les prix se sont élevés[1]. Les provinces danubiennes, la Turquie, l’Algérie française et surtout l’Union américaine ont envoyé sur les marchés de l’Occident des quantités croissantes de céréales. Le Chili, la Plata et les colonies australiennes de Van-Diémen et de la Nouvelle-Zélande commencent elles-mêmes à envoyer des cargaisons soit au Havre, soit à Londres. Quant à nos exportations, elles se dirigent habituellement en Suisse, en Belgique et en Angleterre.

L’insuffisance de notre production de blé pour les besoins de la consommation devient chaque jour plus évidente. De 1820 à 1844, les importations n’avaient dépassé les exportations que de 13 millions d’hectolitres, soit une importation moyenne de 540 000 hecto-

  1. Du 1er juillet 1872 au 30 juin 1873, il est entré à Marseille 4 617 000 hectolitres de blé des provenances suivantes : 1° Russie méridionale, 47 pour 100 ; 2° provinces danubiennes, 6 pour 100 ; 3° Turquie d’Asie et d’Europe, 22 pour 100 ; 4° Hongrie, Italie et Espagne, 6 pour 100 ; 5° Afrique française, 18 pour 100.