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munes et plus graves, l’exportation du sel était de plus en plus difficile, et le rendement de l’impôt sur cette denrée diminuait sensiblement. Cette dernière considération toucha le gouvernement, et un arrêt du conseil, rendu sous le règne de Louis XV le 14 août 1725, ordonna l’ouverture du grau et la construction du canal que nous voyons aujourd’hui. Les travaux marchèrent lentement, furent repris et abandonnés tour à tour. Ce n’est qu’à la suite d’une épidémie terrible due aux émanations marécageuses qu’ils furent terminés en 1745 par les soins de M. Maréchal, directeur des fortifications de la province. La santé publique ne tarda pas à se rétablir, et de nombreux navires remontaient le canal pour s’amarrer dans le port. Sous le premier empire, en 1806, un impôt départemental fut voté sous l’influence d’un préfet qui a laissé dans le Gard les meilleurs souvenirs, M. d’Alphonse, pour améliorer le port d’Aigues-Mortes et ses communications avec la mer ; mais à peine les travaux étaient-ils commencés que l’empire lui-même s’écroulait, et tout fut ajourné. Malgré les souvenirs de saint Louis, la restauration ne fit rien pour Aigues-Mortes. Le gouvernement de Louis-Philippe n’imita pas cette indifférence. Le chenal conduisant à la mer fut rectifié, creusé à la profondeur uniforme de 3 mètres, et la largeur portée à 30 mètres. La canalisation du Vidourle fut achevée en 1833, et le quai du port, détruit par les inondations du Rhône en 1840 et 1841, reconstruit et agrandi en 1845.

Il ne suffisait pas d’améliorer les communications d’Aigues-Mortes avec la mer, il fallait lui ouvrir des débouchés vers l’intérieur. En 1660, le canal du midi, conçu et exécuté par Paul Riquet, joignait la Méditerranée à l’Océan, et se prolongeait à travers les étangs jusqu’à Lunel et Aigues-Mortes. Une communication directe avec le sud-est et le nord-est de la France n’existait pas. Dès l’année 1645, des projets furent élaborés, adoptés, puis abandonnés, et c’est seulement en 1777 que l’on commença le canal d’Aigues-Mortes à Beaucaire. Lorsque la révolution éclata, on avait dépensé 2,500,000}} francs, et le canal dépassait Saint-Gilles. Rien ne se fit jusqu’à la fin du siècle ; mais en 1801 le premier consul conclut un traité avec une compagnie qui s’engageait à achever le canal en trois ans. Il en fallut dix, car c’est à la fin de 1811 seulement qu’on ouvrit la belle écluse destinée à recevoir les eaux du Rhône qui alimentent le canal. La longueur est de 50 kilomètres, avec 20 mètres de largeur et 2 mètres de profondeur. Plus tard, les marais situés entre Beaucaire et Saint-Gilles furent desséchés d’après les plans de MM. Bouvier et Surell, ingénieurs des ponts et chaussées. Pour ceux compris entre Saint-Gilles et Aigues-Mortes, l’opération était plus difficile. En effet, le niveau de ces marais n’étant qu’à 40 cen-