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tagonal communiquant avec le port de Claude. Ces ports suffisaient à l’approvisionnement de Rome et furent fréquentés par les navigateurs jusqu’au temps de Justinien (527-566) ; mais depuis cette époque, envahis par les atterrissemens du Tibre ; tous deux sont relégués dans l’intérieur des terres, à 2 kilomètres du rivage[1]. Ainsi ce retrait de la mer ou plutôt cet empiétement de la terre sur la mer, complétement inexact pour Aigues-Mortes, est géologiquement et historiquement vrai pour Ostie et d’autres villes situées sur des deltas dont les fleuves encore en activité élargissent et reculent sans cesse la base du triangle d’atterrissement qu’ils déposent dans la mer.


III. — fondation d’aigues-mortes par saint louis. — son histoire depuis cette III. — époque jusqu’à la révolution française.

Au milieu des marais de la petite Camargue, non loin des bords du Vidourle, une légère éminence portait jadis une puissante abbaye de bénédictins, située comme dans une île, entourée d’eaux stagnantes alimentées par les deux affluens du Vistre et du Vidourle. Les cantiques qui résonnaient jour et nuit sous les voûtes de son église lui avaient fait donner le nom de Psalmodi. Ce chant continu, que Grégoire de Tours a nommé Psalterium perpetuum, était en usage dans quelques couvens, et s’est conservé jusqu’au XVe siècle dans celui de Psalmodi. Les auteurs de la Gallia christiana[2] en font remonter l’existence à l’année 791 en citant un acte de donation faite à cette époque par un prêtre appelé Elderede. Détruit par les Sarrasins, ce monastère fut rétabli par Charlemagne, qui, ayant enseveli dans ce cloître un fils naturel du nom de Théodomir, accrut les domaines de la communauté et lui donna la tour de Matafère, construite sur un bras du Rhône près de la mer pour protéger une bourgade de pêcheurs établis dans ce lieu et désignée sous le nom d’Aigues-Mortes. L’empereur ayant autorisé l’abbaye à recevoir toutes les donations, ses richesses s’accrurent rapidement, ainsi que le nombre des moines, qui sous Louis le Débonnaire était de 140. Les Sarrasins mirent fin une seconde fois à cet état prospère. Les religieux se dispersèrent pour obtenir, du roi Charles le Simple et des autres puissances le rétablissement du monastère. La comtesse de Provence, le comte de Toulouse, les évêques de Nîmes, d’Uzès et de Lodève, réunis en 1004 sur les ruines mêmes de l’ab-

  1. Voyez la carte III de M. Desjardins et la Pianta della campagna romana pubblicata nell’anno 1862, da Luigi Piale.
  2. Tome VI, col. 471.