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dans le sol sont restés pour en affirmer l’ancienne existence. Comme autrefois, des rivières, des torrens, aboutissent à cette mer absente et se perdent dans les sables. L’Arabe en creuse le lit desséché pendant l’été, pour y puiser l’eau douce avec laquelle il étanche sa soif et abreuve ses troupeaux ; mais dans le Sahara, comme aux environs d’Aigues-Mortes, partout où l’eau douce remplace l’eau salée, une végétation nouvelle s’établit et les plantes salines disparaissent. Ainsi à l’embouchure du Vidourle, dans l’étang du Repausset, les hautes herbes sont celles qui bordent nos ruisseaux, et près de Biskra, sur les bords de l’oued du même nom, les légumes de nos jardins maraîchers, entourés de haies de cassis (acacia farnesiana), végètent pendant l’hiver, arrosés par les eaux douces descendues des monts Aurès.

Si la végétation des environs d’Aigues-Mortes ressemble à celle du désert, il n’en est pas de même des animaux. Dans le désert, ils sont rares et tous d’une teinte grise et jaunâtre. Les petits mammifères, chacals, fennecs, gerboises, gerbilles, etc., les reptiles, varans, fouette-queues, vipère cornue, se confondent avec le sol qui les porte. L’oiseau ne se distingue pas de l’arbuste sur lequel il se perche. La Camargue au contraire est la contrée de la France la plus riche en oiseaux variés. Un grand nombre de ceux qui émigrent en Afrique ou en reviennent s’arrêtent sur cette terre avancée. Les blanches mouettes, les canards, les poules d’eau, les martins-pêcheurs aux vives couleurs, animent la surface des étangs, où l’on voit quelquefois une longue file de hérons gris ou de flamans aux ailes roses, debout, immobiles, perchés sur leurs longues échasses ou décrivant dans l’air une ligne sinueuse dont les courbures changent à chaque instant.

L’industrie humaine, dont le Sahara ne porte aucune trace en dehors des oasis, se manifeste dans les étangs des deux Camargues par ces amas de sel d’un blanc éclatant appelés camelles, alignées comme les tentes d’un camp, et qui exhalent une odeur de violette délicieuse. Près d’elles, on remarque des portions d’étang divisées en carrés réguliers peu profonds, où l’eau chargée de sel se concentre et s’évapore. Grâce aux chaleurs de l’été, à l’absence de pluie pendant les mois de juillet et d’août, grâce au mistral, vent sec, auxiliaire indispensable du soleil, l’air peut dissoudre et dissiper les vapeurs émises par les eaux-mères du salin. Cette industrie importante fait la prospérité d’Aigues-Mortes, et les navires du nord viennent charger à Cette le précieux condiment que leurs étés sans chaleur ne sauraient séparer des eaux qui le tiennent en dissolution. Les derniers salins français sont dans l’île de Noirmoutiers, à l’embouchure de la Loire. Sur les côtes de Bretagne et de Norman-