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dait la mer, le golfe d’Aigues-Mortes n’existait pas encore. À ce cordon littoral en succède un second sur lequel la ville a été bâtie. La courbure de ce cordon est parallèle à celle de la côte. Un troisième rang de dunes, concentrique au second, existe entre la ville et la mer ; un quatrième enfin suit les contours de la plage. C’est entre ces rangées de dunes que se trouvent les marais salans qui avoisinent Aigues-Mortes. Le mode de formation de ces marais, combiné avec les anciens atterrissemens du Rhône et ceux plus modernes du Vidourle et du Vistre, nous fera comprendre la configuration de ce territoire que ces cours d’eau ont conquis sur la mer.

Les limons que les embouchures du Rhône versent dans la Méditerranée ne restent pas immobiles au fond des eaux où le fleuve les a déposés, ils sont saisis par un courant littoral dont la force est accrue par les vents du sud-est qui soufflent si souvent et avec tant de violence dans ces parages. L’existence de ce courant a été constatée par les hydrographes depuis Marseille jusqu’à Port-Vendres. Les sables et les limons entraînés de l’est à l’ouest s’accumulent du côté du couchant sur les saillies formées par les alluvions terrestres. Ces saillies jouent le rôle de l’amorce d’une digue que les apports du courant se chargeront de continuer. À mesure que le nouveau cordon littoral s’avance de l’est à l’ouest, il sépare du large la portion de mer qui remplit la concavité du rivage, la convertit d’abord en une anse ouverte vers l’ouest. Les sables continuant à s’accumuler à l’extrémité de cette jetée naturelle, l’anse se creuse et devient à la longue une surface d’eau salée communiquant avec la pleine mer par une ouverture étroite appelée grau. Nous avons alors sous les yeux, un marais salant comme il y en a tant d’exemples sur tout le littoral languedocien depuis les embouchures du Rhône jusqu’à celles de l’Aude. Enfin la dernière ouverture finit par se fermer, le cordon littoral est achevé et sépare complétement l’étang salé de la mer. Telle est l’origine des étangs saumâtres qui entourent la ville d’Aigues-Mortes, et tous sont, contenus par les anciennes dunes que nous avons décrites. Des milliers d’années sont nécessaires pour achever un pareil travail à la condition qu’un fleuve apporte constamment le tribut de ses limons au lieu même où le cordon littoral se forme. Le petit Rhône ne passant plus à Aigues-Mortes depuis le XVe siècle, les contours du rivage sont restés tels qu’ils étaient au temps de saint Louis. Cependant les limons versés dans la mer par le petit Rhône à raison de 4 millions de mètres cubes par an, entraînés par le courant marin dont nous avons parlé, viennent s’accumuler à la pointe de l’Espiguette, qui s’avance dans la mer à l’est d’Aigues-Mortes. La langue de terre dont elle forme la partie saillante porte le nom significatif de Terre neuve. Un phare a été construit récem-