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s’est prononcé dans un sens différent du leur. M. Reinkens repousserait de son église celui qui n’admettrait pas les décisions des conciles de Nicée et de Trente ; nous ne voyons pas pourquoi des conciles sont préférés à celui du Vatican. Ceci n’importe ; les dénominations sont libres. L’église romaine a-t-elle un droit strict à s’appeler catholique ? L’église orientale est-elle bien fondée à se dire orthodoxe ? Chaque secte se donne ainsi des titres qu’il ne faut pas lui disputer. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, vers la fin de 1871, une nouvelle église chrétienne, en dehors du catholicisme proprement dit et du protestantisme, existait en Allemagne, en Suisse, et devenait le centre des efforts analogues, mais isolés, qui se produisaient dans les autres pays.

Les idées fondamentales de ce mouvement nouveau étaient trop parfaitement d’accord avec celles du gouvernement prussien et des libéraux allemands pour n’être pas accueillies avec empressement à Berlin. C’était bien là ce que l’on voulait ; on n’avait jamais songé à demander aux catholiques un changement de dénomination qui eût impliqué que leurs ancêtres au XVIe siècle eurent tort de ne pas se faire protestans, et qui eût obligé Dœllinger par exemple à faire mettre au pilon tous ses volumes de polémique contre le protestantisme ; ce qu’on regardait comme possible était de les amener, tout en s’appelant catholiques, à n’avoir plus aucune attache sérieuse hors de l’Allemagne, à se soumettre complétement à l’état allemand. Le gouvernement impérial prit donc sous sa protection spéciale le mouvement « vieux-catholique, » et fonda les meilleures espérances sur l’avenir de cette nouvelle église. La nouvelle église, de son côté, y mit la plus grande complaisance, se plaça tout d’abord dans la dépendance de l’état, et avoua bientôt son caractère purement allemand, au risque de compromettre par là son rôle catholique ou universel.

Disons tout d’abord que, si le gouvernement de Berlin se fût borné à protéger les hommes considérables qui s’engageaient dans cette voie nouvelle, à leur assurer tous les droits, toutes les libertés du citoyen, nous n’aurions qu’à le louer. Les vieux-catholiques, selon nos idées, avaient un droit entier à se séparer des catholiques infaillibilistes. Il était juste qu’après s’être ainsi séparés-ils eussent les facilités nécessaires à l’exercice de leur culte. Or la législation prussienne des cultes était si imparfaite que, pour donner à ces dissidens un droit qui leur appartenait par nature, il fallait réformer de fond en comble le droit existant. La loi prussienne n’admettait pas qu’on fût en dehors d’un des cultes reconnus ; pour les actes les plus importans de la vie civile, le citoyen relevait de son clergé ; l’individu qui abandonnait son église sans entrer dans une autre