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tholique. Loin de modifier l’opinion, base unique de la force dans un pays qui n’a d’autre institution que le suffrage, vous l’éloignerez, vous l’irriterez. Inutile, du reste, de discuter si une telle politique fut bonne ou mauvaise il y a vingt-cinq ans, puisque aujourd’hui elle est devenue impossible. Une politique catholique serait pour tout gouvernement français, quel qu’il soit, une cause de chute inévitable, immédiate.

Or que l’on songe aux conséquences. L’Autriche, depuis 1866, en réaction contre le cléricalisme, qui triompha après la répression des mouvemens de 1848, la cour même déclarant qu’elle ne veut plus entendre parler de Pie IX ni de ses prétentions insoutenables, — l’Espagne annulée par ses révolutions intérieures, — l’Italie directement en lutte avec la papauté temporelle à cause de ses intérêts nationaux, — la France réduite pour de longues années à s’abstenir dans toutes les questions étrangères, par conséquent plus une seule nation qui puisse faire ce que fit la France, bien à tort, selon nous, en 1849, mettre son armée au service du parti catholique : cela est grave. Le parti catholique, élément important dans beaucoup de pays, sorte de nation répandue partout, mais ne formant nulle part une nation existant par elle-même, présente cette grande faiblesse de n’avoir pas d’armée. Le parti catholique n’acquiert de force réelle que quand il est ou réussit à faire croire qu’il est la majorité dans un grand pays, et qu’il décide ce pays, comme il fit en 1849, à lui prêter son armée contre l’ennemi séculaire de la papauté, la nationalité italienne. Or il s’écoulera bien du temps avant que cela n’arrive, et voyez les conséquences ultérieures. Privée de son petit domaine temporel, au moins de sa ville de Rome, la papauté, telle que l’ont faite les exagérations successives des théologiens, ne peut plus guère exister. Les royautés électives sont sujettes à des inconvéniens auxquels les profonds instincts politiques de la cour de Rome avaient su remédier avec beaucoup d’art. Ces inconvéniens sont presque tous relatifs aux élections elles-mêmes. Les intermittences de souveraineté, que la royauté héréditaire ne connaît pas, sont pleines de danger. Par ces défauts de la cuirasse, l’ennemi pénètre toujours, témoin la Pologne. La papauté même en a souffert. En 1305, l’élection donna la victoire au pire adversaire que la papauté ait jamais eu, à Philippe le Bel, quasi-meurtrier de Boniface VIII. Durant tout le XIVe siècle, l’élection fut la porte fatale par laquelle la simonie, toutes les faiblesses, tous les crimes passèrent. Le jeu pacifique des conclaves avait paré à cela. Or le jeu des conclaves suppose non-seulement la possession souveraine de la ville de Rome, mais il suppose que cette ville est comme un tombeau fermé à tous les bruits du dehors. Les conclaves ne se tien-